En quoi consiste votre fonction ?
Mon rôle est de coordonner la médecine de prévention au sein des
ministères économique et financier (145 médecins présents sur le
territoire) avec un autre collègue et 17 médecins coordonnateurs
régionaux. Le service de médecine de prévention de ce ministère
est bien développé grâce à la volonté de cette administration et
le soutien constant des organisations syndicales
représentatives.
Je n’ai plus directement un rôle de terrain même si je suis
conseil dans un certain nombre de situations, que ce soit en
administration centrale où en services déconcentrés. Le rôle de
coordonnateur est d'assurer, avec les services compétents, la
bonne diffusion de la politique ministérielle de prévention
décidée en CHS Ministériel.
Par ailleurs, en tant que membre du conseil supérieur de la
Fonction publique depuis 1993 - après un rapport qui m'avait été
demandé 10 ans après le décret de 82 (texte fondateur en matière
de prévention dans la FPE); certaines propositions ont été
retenues pour le décret de 95 qui a « approché » le
Code du travail - j’ai accompagné depuis leur origine les travaux
qui ont abouti aux accords du 20 novembre 2009.
Votre métier vous permet d’avoir une vision globale de
prévention des risques dans la Fonction publique d’État. Que
pensez-vous de la situation aujourd’hui ? Y a-t-il des
risques émergents ?
La situation dans la FPE a considérablement progressé en matière
de prévention des risques, mais de façon très inégale dans les
administrations de l’État, même si depuis 82, le retard tend à
s'amenuiser dans les 3 Fonctions publiques. Encore une fois, il
est remarquable de constater les volontés conjointes des
administrations et des fédérations syndicales dans ces domaines
avec cependant des résultats parfois inégaux.
Les risques émergents dans la Fonction publique d’État sont
pratiquement les mêmes que dans les autres secteurs d’activité
(publics ou privés). Ainsi, une attention particulière est portée
aux CMR et évidemment à l’amiante avec ses procédures complexes
de suivi médical et de suivi post-professionnel, comme en
témoigne la parution récente des décrets en la matière, puis bien
sûr aux RPS ou encore aux TMS. Concernant les RPS, la prise de
conscience dans la Fonction publique d’Etat n’est pas récente.
Des actions ont été menées bien avant la mise en forme du cadre
réglementaire, même si l’on constate des inégalités de traitement
entre les ministères. La Fonction publique d’Etat et notamment,
le Ministère des Finances, est sensibilisée à cette
problématique : une prise de conscience est maintenant
développée, des groupes de travail pluridisciplinaires ont été
mis en place (mutualisation des compétences des ergonomes,
inspecteurs hygiène et sécurité, médecins, psychologues…)
Dans cette administration, les cadres reçoivent une formation à
la prévention des RPS, assurée par les médecins de Prévention et
les assistants de services sociaux. Et puis, la responsabilité
pénale du chef de service est une notion maintenant bien reconnue
et réaffirmée par les accords de novembre 2009.
Revenons sur ces accords du 20 novembre 2009 qui sont le
point de départ d’une évolution sans précédent de la prévention
des risques dans la Fonction publique. Qu'en est-il concrètement
dans la Fonction publique d’Etat ?
En effet, les accords du 20 novembre marquent une étape très
importante : responsabilisation des cadres dirigeants,
professionnalisation des acteurs, des organisations, des
activités, renforcement du dialogue social par des outils précis…
surtout signature de ces accords par les représentants des 3
Fonctions publiques. On peut dire que nous sommes en plein
bouleversement et cette année sera marquée par de nombreuses
échéances. Car les accords de 2009 font maintenant l’objet de
groupes de travail, par thèmes, pour élaborer les textes qui
seront présentés au conseil supérieur. Cette étape est importante
car ils vont consolider les termes des accords et donner lieu à
des propositions d’action. Là encore la concertation avec les
représentants des 3 Fonctions publiques et les fédérations de
fonctionnaires permet d'avancer, parfois difficilement, mais,
pour en être témoin-participant, avec toujours une volonté
positive.
L’un des points remarquables est, à mon sens, la création des
CHS-CT dans la Fonction publique. Ils vont changer la manière
d’aborder la question de l’organisation du travail. Jusqu’à
présent, les aspects organisationnels relevaient du CTP
(l’équivalent des CE dans le privé), les CHS s’occupant notamment
des questions de santé. Les accords vont élargir les compétences
des CHS en y intégrant les conditions de travail et rendant les
représentants du personnel majoritaires. Dans la Fonction
publique d’État, on compte pour le moment un CHS par département
mais une nouvelle étape devrait être franchie en octobre
2011 : date d’une nouvelle désignation des partenaires et de
l’élection des représentants du personnel dans les CHS-CT.
Autre point important : les trois Fonctions publiques vont
se réunir dans un Observatoire commun. L’objectif visé est
d’accroitre la cohérence d’action et une meilleure remontée des
informations dans un souci d’harmonisation des pratiques entre
les différentes Fonctions publiques.
Vous participiez en novembre dernier aux « Premières
Rencontres Santé & Sécurité au Travail dans les Fonctions
publiques ». Quel en était l’objet ?
Ces rencontres de novembre 2010 ont été l’occasion de réunir
l’ensemble des protagonistes des accords de 2009 pour débattre
des enjeux de la rénovation de la politique des ressources
humaines et des relations sociales dans les Fonctions publiques
Territoriale et d’État. La réunion s’est ouverte par le rappel
des modifications réglementaires du décret de 1982 (point de
départ des accords qui nous intéressent aujourd’hui et qui seront
réadaptés dans les nouvelles circulaires) et la loi de juillet
2010, relative à la rénovation du dialogue social. Elle a permis
de revenir sur l’avancée des travaux des différents groupes et
les problématiques traitées. La Fonction publique est une
importante organisation totalisant 6,2 millions d’agents. Des
rencontres d’étapes sont nécessaires pour harmoniser toutes les
administrations, réduire les inégalités de traitement et
réfléchir aux conséquences du bouleversement législatif et
réglementaire qui va s’opérer.
Quels sont les points de crispation qu’il va falloir
éventuellement dépasser ?
Les accords de novembre 2009 ouvrent un espace de travail
gigantesque et tout ne peut pas se faire du jour au lendemain.
Des points de crispation existent ; nous les connaissons. Je
pense notamment à l’insuffisance dramatique du nombre de médecins
du travail. Cela va rendre problématique, à très court terme, la
surveillance médicale des agents des 3 Fonctions publiques. Qui
va assurer cette surveillance, en l'absence de professionnel de
santé ? Les risques psychosociaux, pour ne prendre que ce
domaine difficile à aborder, à prévenir et à prendre en charge,
nécessitent notamment un abord clinique délicat et fondamental
que seuls les professionnels de santé sont à même de traiter. Qui
les prendra en charge, en l'absence de clinicien ?
Mais il s’agit là d’une problématique commune avec le secteur
privé. Le développement des services de santé au travail n’est
pas non plus à l’ordre du jour car il faudra aussi régler le
problème de la pluridisciplinarité. Enfin, la mise en place du
suivi post-professionnel sera formalisée par un accord, mais
seulement en fin d’année et l’audit externe dans les
administrations, prévu par les accords sur la thématique des RPS
ne fait pas vraiment consensus.
Mais, il est encore tôt pour dresser le bilan de novembre 2009.
Pour cela, il faudra attendre 2012. En attendant, les choses
avancent et nous tenons le délai des travaux.
Pensez-vous que Préventica a un rôle à jouer dans ces
évolutions, majeures pour la Fonction
publique ?
Certainement. Le propre de Préventica est de réunir l’ensemble
des acteurs du privé et du public autour de la problématique des
conditions de travail. Or la mise en commun des compétences de
chacun et la transversalité entre les secteurs privé et public
sont essentielles pour progresser.
* Instance consultative qui assiste les comités techniques
paritaires ministériels (CTPM) pour les questions et les projets
relatifs aux problèmes d'hygiène et de sécurité
La Fonction publique est en plein bouleversement et cette année sera marquée par de nombreuses échéances

Laurent VIGNALOU
Médecin coordonnateur national auprès des ministères économique et financier
Ministere De L'economie, Des Finances Et De L'industrie
- #Fonction publique
- 01/02/2011