Éric Chalumeau, Directeur du Cabinet Icade Suretis
(société conseil en management des risques), Commissaire
divisionnaire honoraire et Président du Syndicat du Conseil en
Sûreté, est intervenu au Congrès Préventica Lyon. Professeur
d’université, matière grise du futur Conseil en Sécurité Sûreté,
il est particulièrement au fait de l’intégration de cette
expertise dans les activités privées. Prônant son assimilation
dans un système de management global, il revient également sur
l’évolution de la société, conditionnant la nouvelle situation de
la sûreté dans la sphère professionnelle et la place des
Congrès/Salon Préventica pour accompagner ce changement.
Préventica – La conférence que vous avez animée à Préventica Lyon
s’intitulait : « La sûreté, nouvel enjeu des
entreprises et collectivités ». Pourquoi ce
sujet ?
Éric Chalumeau – Plus qu’un enjeu, on assiste à
l’émergence d’une nouvelle donne de la protection des biens et
des personnes. Petit rappel de définition. On entend par
« sûreté », la prévention, la gestion et la réduction
des risques à caractère intentionnel, extérieurs à
l’organisation. Par extension, la sécurité est plutôt relative
aux risques intérieurs. Deux réalités sur le papier, mais qui
dans les faits ne peuvent plus vraiment être dissociées. La
frontière, extrêmement ténue, ne se justifie plus.
Depuis 1997, si les atteintes aux biens diminuent, les agressions
qui concernent l’immatériel et les personnes augmentent. Une
jurisprudence rendue récemment vient soutenir cette tendance et
conforte la nécessité d’intégrer la sûreté dans le champ de la
préventique. En effet, la SNCF a été condamnée à réparer le
préjudice subi par un voyageur agressé par un second individu en
état d’ébriété. On a reproché à l’entreprise un défaut de
surveillance et d’organisation, entrainant sa mise en
responsabilité. En outre, les événements du 11 septembre 2001
(les États-Unis ont créé des règles de portée forcément
mondiale), l’explosion des transports, d’Internet et des
nouvelles technologies, ont favorisé la mise en place d’une
nouvelle réglementation relative à la sûreté (obligation
pour les opérateurs de mener une étude dès la construction des
bâtiments, de respecter de nouvelles normes) et l’apparition de
nouveaux métiers.
P - Cette dernière doit-elle être désormais intégrée dans
une démarche de management global des risques ?
ÉC - Il n’est plus possible de penser
Risk Management sans penser sûreté. La législation
incite à cette prise de conscience. Le manque en la matière est
condamnable au mieux civilement, voire pénalement, et fortement
attentatoire à l’image. De quoi faire réfléchir les entreprises
et collectivités !
La sûreté ne peut plus être une expertise que l’on délègue à un
prestataire. Elle reste néanmoins trop souvent reléguée à une
fonction transversale, gérée indépendamment de la sécurité. Or,
sa mise en place relève d’un changement profond de l’organisation
et des habitudes. Son intégration est plus ou moins indispensable
selon la nature des activités de l’entreprise. Toutefois,
personne n’est épargné aujourd’hui. Pour ma part, je pense
vraiment qu’une démarche globale est largement plus efficace.
P - Comment procéder concrètement ?
ÉC – Le Document Unique est, une fois
encore, la clé de voute d’une démarche globale et
cohérente. Celle-ci passe forcément par une revue
précise des risques internes, mais aussi exogènes :
prestataires, transporteurs, salariés, stagiaires… Toutes les
situations de l’entreprise doivent être prises en compte (pas
seulement celles liées à l’organisation et à la production). Des
procédures confiées aux RH doivent couvrir l’ensemble en fonction
du type d’activité et du degré de danger. L’assureur, arbitre du
risque, appréciera cette formalisation et la négociation n’en
sera que plus aisée.
P - Comment Préventica peut-il faire écho à cette
évolution ?
ÉC – La nature même du Congrès / Salon
Préventica en fait un lieu propice à une démarche de management
global des risques. L’événement dispose de nombreux
atouts. Préventica, en complément de matériels et solutions
spécifiquement dédiés à la sûreté, diffuse des savoirs et des
produits à la croisée des chemins des différents dangers. Ainsi,
les systèmes de barriérage ou de clôture, les alarmes techniques,
les dispositifs DATI, sont des produits mixtes qui couvrent à la
fois les champs de la sécurité et de la sûreté.
J’ai pu constater sur place que les employeurs, dirigeants,
donneurs d’ordre sont sensibilisés à la notion de responsabilité.
En outre, ils viennent chercher des précisions sur la nouvelle
réglementation. Enfin, derrière chaque visiteur ou professionnel
se cache un citoyen avec une éthique et une conscience du risque
participant à une certaine cohésion sociale. J’en appelle à la
responsabilité citoyenne !