Récemment, la CES a publié le manifeste « Zero Death at Work ».
De quoi s’agit-il ? Pourquoi l’avoir lancé ?
La CES a été créée en 1973 et compte aujourd’hui 89
confédérations syndicales nationales réparties dans 38 pays ainsi
que dix fédérations syndicales européennes. Elle parle d’une
seule voix, au nom des travailleurs européens ce qui permet de
peser davantage dans le processus décisionnel de l’UE. Elle lutte
notamment pour des augmentations salariales pour les
travailleurs, un niveau élevé de protection social, une bonne
santé et sécurité au travail ou encore des services publics de
qualité accessibles à tous.
À travers notre manifeste, nous appelons l’Union européenne, les
gouvernements de ses États membres et les employeurs à s’engager
réellement et à prendre les mesures nécessaires pour parvenir à
zéro décès au travail. Ces institutions doivent faire en sorte de
prévenir les accidents du travail et les maladies
professionnelles, mettre fin à l’exposition à des substances
dangereuses, et être prêtes à faire face aux pandémies. Il faut
aussi que la protection de la santé physique et mentale des
travailleurs soit placée au cœur de l’organisation du travail et
de la conception du lieu de travail.
Avec votre manifeste, vous avez également communiqué des
chiffres à l’échelle européenne, ainsi que
vos prévisions pour atteindre « l’année zéro décès ». Comment
expliquez-vous les différences de volumes entre pays concernant
le nombre de décès au travail ? La France et l’Espagne semblent
loin derrière les autres pays ; comment renverser cette situation
?
Les différences sont dues à une pléthore de raisons : la
législation ne protège pas suffisamment les travailleurs contre
les accidents, la couverture des négociations collectives, le
taux de syndicalisation, le tissu industriel, le système de
notification des accidents...
Concernant la France et l’Espagne, il faut tout d’abord une
législation efficace. La démocratie au travail doit être
encouragée, notamment dans le domaine de la SST afin de garantir
la participation active des travailleurs à l’élaboration et à la
mise en œuvre de mesures préventives. Il s'agit notamment de
soutenir les représentants et les comités syndicaux de santé et
de sécurité au travail. Les représentants des travailleurs en
matière de santé et de sécurité jouent un rôle essentiel pour
assurer une prévention efficace au niveau de l'entreprise. La
Commission européenne et les États membres devraient promouvoir
des politiques qui améliorent la couverture et les conditions des
représentants en matière de sécurité dans toute l'Europe.
Les États membres doivent aussi apporter un soutien adéquat aux
inspections du travail, et respecter la recommandation de l'OIT
d'un inspecteur du travail pour 10 000 travailleurs. De même, le
rôle des représentants syndicaux en matière de santé et de
sécurité sur le lieu de travail doit être renforcé. Enfin, les
partenaires sociaux doivent être correctement impliqués dans la
conception et la mise en œuvre de mesures de santé et de sécurité
solides à tous les niveaux, conformément aux règles et principes
de la directive-cadre de l'UE.
Comment envisagez-vous l’avenir au sein de la CES
?
Sachant que jusqu'à 12% de tous les cancers sont liés au travail,
la CES demande des mesures pour limiter les niveaux d'exposition
à 20 autres substances cancérigènes, tandis que les limites
d'exposition existantes pour les substances cancérigènes
courantes sur le lieu de travail, comme la silice cristalline,
les émissions diesel et l'amiante, n'offrent pas une protection
suffisante et doivent être actualisées de toute urgence.
Plus de la moitié des travailleurs de l'UE déclarent que le
stress lié au travail est courant sur leur lieu de travail.
Compte tenu de la prévalence du stress, qui est lié au travail,
l'Europe devrait disposer d'une directive spécifique dans le
domaine des risques psychosociaux, en mettant l'accent sur
l'organisation du travail, et non sur les caractéristiques et la
résilience de l'individu. La pandémie a également eu un impact
sur la santé mentale des travailleurs, notamment dans le secteur
des soins de santé et d'autres services essentiels. Il est urgent
d'investir davantage dans la santé mentale, et des recherches
sont nécessaires sur les effets à long terme du télétravail du
point de vue de la SST.
Pour atteindre l'objectif de zéro décès au travail, il faut
aborder le lien entre les risques liés à la santé et à la
sécurité et la qualité de l'emploi. Les formes d'emploi non
standard sont souvent liées à l'insécurité de l'emploi.
L'insécurité de l'emploi et l'augmentation du stress lié au
travail en raison du travail précaire peuvent entraîner des
répercussions négatives sur la santé et la sécurité des
travailleurs. En outre, les travailleurs sous ce type de contrat
sont plus vulnérables que les travailleurs permanents, car ils
effectuent généralement les tâches les plus dangereuses,
travaillent dans de moins bonnes conditions et font l'objet d'une
formation moindre en matière de sécurité et de santé au travail,
ce qui peut accroître le risque d'accidents du travail. Les
travailleurs temporaires ont également moins accès aux
professionnels de la SST, échappent à la surveillance de la santé
sur de plus longues périodes et peuvent être négligés par les
représentants des travailleurs en matière de politique de SST ;
ce qui pourrait expliquer la situation relativement mauvaise de
ces travailleurs en matière de SST.
