En quoi consiste votre formation ?
À la création du master, l’idée de départ était de répondre à une
demande sociale et économique, ainsi qu’à de nombreuses
évolutions législatives et mises en lumières médiatiques apparues
dans les années 2010. Nous avions constaté qu’il n’y avait que
très peu de formations dédiées à la SST et à la QVT à
l’université, en dehors des parcours de psychologie. Il nous
semblait important de répondre à ce manque, avec nos propres
moyens. Notre objectif aujourd’hui, c’est de former des étudiants
aux métiers de l’expertise et du conseil dans le domaine de la
santé au travail, des risques psycho-sociaux, de la qualité de
vie au travail, en leur permettant d’adopter une posture
réflexive et critique sur les jeux d’acteurs complexes présents
dans les organisations. Lorsque l’on se forme à être
professionnel de la santé au travail, on se destine à occuper une
position très difficile. Il faut rester très vigilant, patient et
imaginatif pour répondre aux besoins des salariés et des
employeurs, tout en prenant conscience de ses propres limites.
Cela demande généralement un gros travail de « traduction » de
savoirs sociologiques à la réalité du terrain, et au langage des
entreprises.
Quel est le profil de vos étudiants ?
Étant encore un jeune master, nous restons sur de petites
promotions. Nous souhaitons contrôler la jauge, donc nous
limitons à 15-20 étudiants. La plupart sont titulaires d’une
licence de sociologie, et sont originaires de l’ouest de la
France. Mais nous avons également des élèves issus de licences ou
de masters de droit. Généralement, ce sont des personnes issues
d’une formation en droit social, qui ont été mises en appétit par
la matière ou des intervenants, et qui éprouvent le besoin de
dépasser le cadre juridique. Il y a également un pourcentage
d’étudiants qui intègrent le master via la formation continue, et
entament un processus de reconversion professionnelle. Nous
sommes très attachés à cette mixité. Beaucoup de nos étudiants
partent avec l’idée de devenir consultants en RPS, plutôt que de
rester attachés à une seule entreprise.
Comment vous adaptez-vous aux nouvelles dispositions
législatives ?
Nous ne formons pas des juristes, donc l’aspect juridique pur
n’est pas notre obsession. Nous avons tout de même des cours sur
le sujet en M1 et M2. Mais pour nous, ce qui compte c'est plus de
suivre l'esprit des lois que leur application à la lettre. C’est
pourquoi nous mettons l’accent sur la dimension empirique de
notre formation ; il est important de faire ses propres
observations, de s’adapter, et ne pas être dupes sur les
stratégies de « socialwashing » en entreprise pour toujours agir
en faveur des salariés. Un des premiers exercices demandés aux
étudiants, c'est de faire de l'observation participante. L'élève
occupe la position de ceux qui étaient observés juste avant. Donc
il fait une journée, quelques jours, ou une semaine en travail
posté, pour rédiger ensuite un compte rendu d'observation. Et
cela marche très bien, car les contraintes de chaque salarié sont
ainsi mieux comprises.
Quelles évolutions constatez-vous ces dernières années
?
Notre master a la particularité d’ouvrir sa deuxième année à
l’alternance, et cela semble plaire aux entreprises.
Actuellement, tous nos étudiants de M2 sont en contrat pro, et
sont assez demandés. Sans surprise, nous retrouvons de grosses
entreprises du CAC, mais nous observons également une tendance ;
une demande renforcée dans le secteur agroalimentaire, notamment
en PME. C’est intéressant pour nos étudiants, qui peuvent ainsi
faire plus de terrain que dans de grands sièges sociaux. Nous
voyons aussi émerger des demandes de secteurs très
accidentogènes. Je pense notamment à celui de l’aide à domicile,
qui cherche à recruter dans notre master.
Pour la suite, il faut voir comment la crise sanitaire rebat les
cartes. Il y a un intérêt, et une demande de desserrer l’étau de
l’intensification du travail qui n’a jamais été aussi forte.
Cependant, il y a aussi beaucoup d’opérations de communication
dont il faut se méfier, et des améliorations de façade. Il est
difficile d’avoir une visibilité à long terme sur l’évolution de
la QVT, mais il est sûr que notre formation a de l’avenir.
