Comment définiriez-vous l'intelligence économique
?
Ce que l'on appelle communément intelligence économique recouvre
en fait plusieurs réalités.
Le terme français d'intelligence économique vient du terme
anglosaxon "intelligence" qui signifie renseignement. Dans les
multiples moyens auxquels peut recourir une entreprise pour
protéger son patrimoine, certains sont plus ou moins légaux.
Pour moi, la véritable intelligence économique, c'est la face
visible de l'iceberg avec la veille économique, l'analyse
stratégique, l'anticipation et l'innovation, ce que l'on appelle
dans notre jargon le renseignement ouvert.
Quelle différence alors entre intelligence économique et
espionnage industriel ?
A la frontière entre légalité et illégalité, il y a le
renseignement gris qui concerne des informations que la veille ne
permet pas d’obtenir. On utilise alors des moyens plus
« subtils ». Par exemple, dans un cocktail, faire
parler un salarié sur les projets de son entreprise, ou s’assurer
de la bienveillance d’un parlementaire…
Le stade au dessus, c'est le renseignement pur et dur, recruter
un journaliste vénal pour qu'il publie de fausses informations
sur un concurrent, utiliser des informations confidentielles sur
la vie privée d'une personne pour la faire chanter, se servir des
charmes d'une demoiselle pour recueillir quelques confidences sur
l'oreiller…
Tout cela n'est pas l'invention d'un scénariste imaginatif mais
bien la réalité d'un monde économique de plus en plus dur où tous
les coups sont permis.
Les entreprises françaises sont elles bien armées face à
l'espionnage industriel ?
Traditionnellement les entreprises françaises qui travaillent
dans le secteur de la défense sont rompues à ce genre de
pratiques et sont extrêmement vigilantes sur la diffusion
d'informations stratégiques. Les grands groupes qui sont victimes
de contrefaçons ont mis en place des méthodes inspirées des
services de police : pénétration de réseaux, renseignements via
des indics, infiltration de containers au port d'Anvers…
Et les plus petites entreprises ?
Nous avons tout un tissu de TPE et PME innovantes qui sont
beaucoup moins sensibilisées. Sans parler des sous-traitants et
prestataires qui peuvent avoir accès à des documents
confidentiels en avant-première : les agences de publicité,
les imprimeurs, les entreprises de nettoyage, les prestataires de
gardiennage. J'ai connu un balayeur titulaire d'un doctorat en
sciences physiques ! Avec le développement des moyens numériques,
l'exposition des entreprises est encore plus grande et la
cyberdélinquance a pris un essor considérable dans le monde et
dans des pays que nous n'arrivons pas à atteindre. Il y a urgence
à agir : le pillage de notre capacité d'innovation, c'est la mort
de l'économie. C'est donc à l'Etat de prendre le relais pour
mieux protéger le patrimoine économique de nos entreprises.