En quoi consiste l’événement que vous avez organisé
?
Tous les deux ans, dans un service BTP différent, un congrès
spécialisé sur les sujets de santé au travail dans le secteur est
organisé. Ces congrès ont pour objectif d’étudier une thématique
de façon approfondie, en partant des connaissances scientifiques
fondamentales, afin d’aboutir sur des applications pratiques de
terrain. Les 500 congressistes conviés doivent ressortir avec des
idées pouvant les aider à améliorer leurs pratiques au quotidien.
Quel était le sujet de cette 36e édition ?
Le sujet était assez technique : « BPT : biométrologie,
traçabilité des expositions professionnelles et prévention en
milieu confiné ». En bref : le risque chimique dans le monde du
BTP. Cette thématique n’avait pas été abordée depuis longtemps
mais elle sera un challenge dans les années à venir. Nous devons
réfléchir à une meilleure évaluation des risques chimiques et des
expositions dans ce secteur professionnel.
Le BTP est-il concerné par ces risques ?
Le BTP est même particulièrement concerné. Le risque chimique est
encore trop méconnu dans le secteur. 96 % des entreprises sont
des TPE, la culture de prévention n’y est pas très avancée.
Certaines utilisent parfois des produits chimiques toxiques ou
dangereux pour les salariés, sans le savoir. Or, pour rappel, le
BTP représente un million et demi d’employés. C’est un monde à
part, avec des risques particuliers et des difficultés
spécifiques en termes de suivi.
Pourquoi le secteur du BTP rend difficile l’évaluation et
la prévention de ces risques ?
Les expositions à des substances dangereuses, d’un même salarié,
varient. Elles ne sont pas répétitives. Dans le BTP, il n’y a pas
d’ateliers fermés, de conditions de travail fixes. Les chantiers
sont très mobiles, les métiers et missions variées. Les chantiers
à l’air libre par exemple compliquent l’évaluation des
expositions. La coactivité (plusieurs entreprises interviennent
sur un même chantier, ndlr) peut aussi générer des risques
importés dans l’entreprise. Tous ces facteurs de variabilité
empêchent la bonne surveillance biologique du risque chimique. Ce
risque n’est pas assez connu dans le BTP.
Quel bilan tirez-vous de ce congrès ?
Beaucoup de travail reste à faire : ce secteur représente 8 % des
activités salariées en France, mais 19 % des accidents de
travail. 5% des cancers en France, par exemple, seraient
d’origine professionnelle. Mais pour lutter contre cela, et les
autres maladies causées par d’autres produits chimiques, il faut
savoir à quels toxiques les salariés sont exposés. On pense BTP,
on pense blessures, postures, accidents… mais on ne prend pas
assez en compte le risque différé, et donc le risque chimique.
Nous voulions avancer dans ce domaine. Ce congrès devait booster
les médecins du travail à prendre conscience de ces enjeux, et à
envisager la biométrologie et la traçabilité des expositions
comme de vraies solutions. Nous avons eu des échanges de haute
tenue, donc tendons vers cette perspective.