À travers son référentiel annuel 2024, l’Observatoire de l'Infobésité et de la Collaboration Numérique (OICN) fournit des pistes pour en prévenir les impacts grâce au décryptage des usages. 10 000 collaborateurs, managers et dirigeants ont livré les détails de leur utilisation du numérique, au travail et au quotidien.

Dans ce travail de fond effectué pour l’OICN, qui permet de prendre la pleine mesure des enjeux autour de l’infobésité par la digitalisation, 106 millions de métadonnées d’emails et 3 millions de métadonnées de réunions ont été analysés et étudiés par le cabinet Mailoop.

Infobésité : un constat alarmant

surcharge

Point définition

L’infobésité, ou surcharge informationnelle, est l'excès d'informations qu'une personne ne peut traiter ou supporter sans se nuire à elle-même ou à son activité. Dans le monde du travail, cela peut se traduire concrètement par la multiplication des sollicitations issues d‘outils numériques avec les mêmes effets délétères.

Numérique : les chiffres à connaître

S’il ne le concerne pas uniquement, le monde professionnel est devenu particulièrement sujet à l’infobésité. L’étude de l’OICN appuie ce constat par des chiffres marquants : 69 % des dirigeants sondés reçoivent plus de 250 emails par semaine ; 15 % des collaborateurs répondent en un temps express ; 68 % des managers ont moins de 2 semaines de congés numériques par an quand 27 % des travailleurs reçoivent entre 100 et 250 emails par semaine. L’étude met en avant plusieurs phénomènes : un monde du « travail asynchrone » qui entraîne une « culture de l’écrit », une tendance à « l’hyper connexion » qui provoque « l’addiction à l’information et aux smartphones », « une culture de l’urgence » qui force à l’hyper-réactivité et à l’impossibilité de briser la boucle.

Collaboration numérique : où en sommes-nous ?

notification

Que ce soit pour les réunions, le feedback ou même pour les échanges formels et informels, mener à bien des missions professionnelles dans un cadre collectif passe par des moyens numériques.

Des outils numériques omniprésents

L’étude est édifiante sur ce point : 53 à 84 % de la communication des managers passe par l’email, c’est-à-dire un service de messagerie instantanée. Ce process est devenu incontournable. Les collaborateurs sondés, eux, indiquent passer en écrasante majorité par un système de mailing ou de tchat pour échanger professionnellement (respectivement plus de 70 et 60 %, ndlr). Il est vrai que ces options, par leur instantanéité, profitent à l’efficacité des parties prenante de l’organisation. Un manager n’a plus à attendre que son collègue soit disponible pour orienter son travail, un directeur n’a plus à descendre deux étages pour donner un ordre. Une plus grande productivité conjuguée à une meilleure satisfaction au travail.

Le numérique a des effets pervers sur la collaboration

Mais si la versatilité et les bénéfices pragmatiques offerts par la multiplication des outils technologiques (et communicationnels) se voient à court terme, des effets nocifs et contre productifs s’expérimentent sur un temps plus long. L’effet « mille feuilles de communicationnel », c’est-à-dire la juxtaposition des canaux de communication, provoque une duplication d’une même demande sur tous les canaux, des « interruptions synchrones » et incessantes. En plus de nourrir l’infobésité, cette surexposition, selon l’étude, appuie la fracture numérique au sein des sociétés et entraîne un rejet. 74 % des employés n’utilisent pas les groupes collaboratifs, quand 94 % des messages sur ces derniers sont postés « par le top 10 % des personnes qui postent le plus de messages ». 

Des pratiques inspirantes 

ordinateur fermé

Avant que « l’enthousiasme ne se heurte à de nombreuses désillusions », l’étude de l’ICN délivre des conseils pour redéfinir ses pratiques numérique au travail.

Mieux travailler grâce au numérique

C’est tout l’enjeu qui caractérise cet imposant travail d’enquête. Selon Suzy Canivenc, chercheure à la Chaire Futurs de l’industrie et du travail, « la course à l’échalote technologique empêche de prendre le temps de réfléchir à ces usages et à leurs dommages collatéraux sur la qualité du travail comme sur la qualité de vie au travail ». Pourtant, il nous faut nous interroger sur la pertinence de l’emploi du numérique. Car « ces technologies offrent aussi des possibilités inédites pour développer le travail collectif au-delà des unités de lieu, de temps et d’action qui corsetaient les pratiques de travail au XXe siècle ». Entre le trop d’option, la complexité et la lassitude, nos outils numériques sont mal ou pas utilisés. 29 % des collaborateurs interrogés disent ne jamais avoir partagé de fichiers sur un espace collaboratif ; alors qu’un dirigeant passe en moyenne 24 heures par semaine en réunion ; et qu’1 jour sur 3, les travailleurs n’arrivent pas à traiter tous leurs emails (20 % ne sont même pas ouverts).

Non à l’infobésité, oui à la sobriété

C’est pourquoi il devient essentiel d’alléger et fluidifier le recours au numérique au travail, de le repenser. À ce propos, l’étude de l’OICN aboutit à plusieurs pistes d’amélioration que vous retrouverez, détaillées, ici. Pour les réunions, mettre en place « un délai minimal de prévenance » pour en organiser, « clarifier la contribution » des participants, les « séquencer » ou en changer la durée. Pour l’emploi des canaux de communication, « définir une charte pour chaque canal » (quel type d’information envoyer, ton, délai de réponse, horaires etc, ndlr),  définir des « plages de disponibilités » pour éviter les interruptions permanentes. Pour les emails, « préciser le délai de réponse attendu dans l’objet, et faire de l’urgence l’exception ». Enfin, pour l’infobésité et ses conséquences néfastes, l’OICN encourage l’invention d’un « rituel de fin de journée numérique »,  « la séparation » du téléphone professionnel et personnel, l’expérimentation « d’applications de blocage pour lutter contre les réflexes de consultation ». Les bons gestes les plus évidents peuvent suffire également. La reconnaissance managériale peut s’exprimer autrement que par email, quand une bonne conversation en face à face évite d’emblée toute boucle numérique.

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