Être banni ou faire face au BANI, telle est la question ?! Au-delà du jeu de mots, les questionnements touchant à la thématique de la qualité de vie et des conditions de travail se résument bien à cette interrogation : que nous faut-il encore faire pour améliorer nos pratiques et éviter le pire (et ce, quelques soient les maux envisagés) ? 

Si tout manager ou leader ne voit généralement pas la conséquence immédiate de ses manquements se traduire dans ses indicateurs clés de performance (les fameux KPI), le monde des préventeurs, lui, comprend de suite que ses indicateurs l’informent d’une triste réalité avec des accidents voire des morts évités ou avérés. Au-delà de ces chocs, les préventeurs ne peuvent donc se dispenser de toujours se remettre en question, sauf à être bannis de leur organisation. En cela, ils symbolisent bien ce qui est aussi demandé à tous les autres décideurs.

Pourtant, le monde dans lequel nous évoluons a profondément changé depuis le dérèglement climatique, la Pandémie de la Covid-19, etc. : d’incertain, il est devenu incompréhensible ou plus exactement BANI. Le qualificatif de VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity) développé par l'US Army dans les années 1990 pour décrire le contexte dans lequel les forces armées américaines évoluaient après la fin de la guerre froide ne suffit plus en effet à rendre compte de notre monde contemporain devenu BANI (Brittle, Anxious, Nonlinear, Incomprehensible). Ce nouvel acronyme surtout popularisé après la pandémie de 2020 renvoie en fait à une nouvelle réalité à laquelle les préventeurs et au-delà tous les managers, RH, décideurs et même représentants du personnel doivent faire face : notre monde est désormais Fragile, Anxieux, Non-linéaire et Incompréhensible. Cela suppose donc l’adoption de certaines actions et attitudes : 

  • Nos systèmes économiques et environnementaux, nos organisations et les individus, et même la paix sont désormais reconnus comme étant vulnérables : cela nécessite donc de développer les résiliences à tous ces niveaux ;

  • L’anxiété est un sentiment de plus en plus partagé en s’alimentant des crises et des guerres mais aussi de l’info-obésité auquel chacun est confronté en permanence sans pouvoir les contrôler : adopter un état d’esprit résolument optimiste devient difficile mais pourtant nécessaire pour faire face et par là même favoriser aussi l’innovation ;

  • Nos systèmes actuels ne sont plus linéaires, autrement dit prédictibles, mais caractérisés par une complexité disruptive, ce qui engendre souvent passivité et aversion au risque encore plus paralysantes : favoriser une culture d’apprentissage continu, autrement dit encourager la curiosité, l’expérimentation et l’innovation constante caractéristiques de l’agilité, et renforcer la prise de décision collaborative sont donc des actions à mener pour faire face à la complexité et à l’interdépendance des systèmes qui nous entourent.

  • Or ce monde nous est de plus en plus incompréhensible : cette complexité systémique se confronte en fait toujours davantage à nos limites cognitives, ce qui bloque l’innovation et pénalise les décisions stratégiques : adopter la pensée systémique et s’ouvrir à une innovation ouverte par des partenariats avec des personnes ou des organisations venant d’autres univers (y compris de l’université ou des startup) peut contribuer à mieux percevoir ces nouvelles tendances.

Dès lors, pour faire face à cet environnement BANI qui apparait comme étant la suite logique du monde VUCA, les préventeurs sont confrontés à l’obligation de s’adapter et d’adopter de nouvelles logiques qui peuvent se résumer ainsi : accepter de ne pas être des êtres surhumains et oser exercer leur leadership pour fédérer autour de leur cause le plus grand nombre. En cela, ils étonneront peut-être nombre de décideurs, mais c’est la condition essentielle pour ne pas être bannis.