La Ville de Clermont-Ferrand dans le cadre d’une démarche
globale de prévention des risques liés au travail, a lancé en
février 2010 un projet avec le soutien du Fonds national de
prévention de la CNRACL.
Objectif : repérer les situations de
pénibilité pour aboutir à des propositions constructives
d’amélioration et de diminution de ces situations.
Nicole LOTTIER, Chargée de mission en ressources humaines et
Référent handicap, répond à nos questions.
Quand avez-vous pris la décision de lancer cette
démarche ?
La Ville de Clermont-Ferrand s’est engagée
depuis une dizaine d’années, dans une démarche de prévention des
risques liés au travail.
Plusieurs chantiers ont ainsi été lancés, de l’élaboration du
document unique, au développement des formations liées à la
sécurité dans le travail, ainsi que la mise en place d’une
démarche de gestion des agents en restrictions médicales en
passant par l’étude sur la gestion des risques psychosociaux et,
récemment, l’étude sur la problématique de la pénibilité au
travail.
A travers la réalisation de ces études, notamment les Risques
psychosociaux et la Pénibilité, la Ville de Clermont-Ferrand
souhaite préserver le capital santé de ses agents et leur
permettre de venir travailler dans les meilleures dispositions
physiques et mentales.
Pouvez-vous nous parler du chemin parcouru jusqu’au
lancement du projet ?
Concernant plus particulièrement l’étude sur la
pénibilité, le principe du projet a été examiné et
validé, une première fois, en CTP le 24/06/2008 et en CHS le
02/07/2008. Plus récemment, le dossier a fait l’objet d’un nouvel
examen au CHS et CTP, fin 2009, afin de rendre compte de
l’avancement de l’étude à l’issue des réunions du comité de
pilotage réunissant des membres du CHS et du CTP ainsi que des
experts de la DRH. Le but était de faire valider aux instances
paritaires le cadrage méthodologique du projet et la proposition
d’accompagnement par un consultant chargé de conduire une
formation/action s’adressant aux membres du groupe de travail et
à des ACMOS issus de différents services de la Ville.
L’étude de la pénibilité est la continuité de la politique
active, menée par la municipalité, en faveur de la prévention des
risques professionnels ; politique adossée étroitement à une
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui s’est
développée à partir de 2005, lors de l’institution d’un service
GPEC au sein du Pôle Emplois/compétences de la DRH. Ce pôle
regroupe également les bureaux du recrutement et de la formation.
> En 2008 le grand prix du management, dans la catégorie « Recrutement/mobilité/reclassement », sur la problématique de la gestion des agents en restrictions médicales lui a été décerné.
De même, en 2010, un nouveau grand prix du management dans la catégorie « développement des compétences » récompense la Ville pour son action entreprise sur la problématique des risques psychosociaux.
Si le travail effectué sur les restrictions médicales a permis de créer une dynamique dans la volonté de mieux préserver la santé des agents et a conduit, naturellement, à étudier les risques psychosociaux et la pénibilité au travail, le contexte économique a aussi participé à la réflexion sur l’amélioration des conditions de travail. En effet, la date des départs en retraite recule et oblige le personnel à travailler plus longtemps. Il faut pouvoir amener le maximum d’agents en bonne santé et motivés jusqu’à l’âge de la retraite. Par ailleurs, les charges de travail augmentent, se diversifient, se complexifient. Les organisations évoluent contraignant les agents à s’adapter. La Ville de Clermont-Ferrand souhaite se montrer exemplaire dans la préservation de la santé des agents.
Pénibilité au travail, le terme recoupe des
problématiques d’actualité, mais peu de collectivités s’y
attaquent. Pourquoi la ville de Clermont se lance-t-elle dans un
tel projet ?
Quand « on met le doigt dans l’engrenage » il est
difficile de faire marche arrière. Le cercle vertueux de
l’amélioration des conditions de travail est enclenché.
Aujourd’hui, la lutte contre les pénibilités est donc devenue une
priorité municipale.
Une problématique en amène une autre : les restrictions
médicales, la reconversion professionnelle, la souffrance et la
pénibilité au travail, tous ces dossiers sont étroitement liés
les uns aux autres. Pour préserver la santé des agents,
il faut anticiper les problèmes : améliorer les conditions de
travail, agir sur l’organisation, créer les conditions du
bien-être au travail en évitant l’usure professionnelle. Il est
nécessaire de privilégier l’action sur le long terme en
inscrivant la correction des pénibilités dans la mise en place
d’une politique globale de gestion des ressources humaines.
Au départ, c’est l’augmentation rapide des restrictions médicales
qui a poussé la municipalité clermontoise à mettre en place une
méthode de gestion pour ces agents. Par ailleurs, le personnel de
la Ville est vieillissant et l’âge de la retraite recule. Enfin,
l’actualité et la demande des partenaires sociaux ont permis de
poursuivre le processus. Une première étude sur les risques
psychosociaux, entamée en 2007, s’est traduite par la mise en
place de procédures destinées à venir en aide aux agents en
souffrance.
La ville entend, maintenant, développer cette première étape par
une réflexion plus globale destinée à remédier aux facteurs de
pénibilité du travail. Le repérage et la correction des
pénibilités doivent devenir permanents au sein de la
collectivité. Nous avons tous à gagner dans cette
entreprise : les agents et la collectivité. N’oublions pas
que le maintien des agents en bonne santé est un enjeu important.
Comment procédez-vous pour la mise en place de la
démarche ?
Le projet s’appuie sur une approche participative et
pluridisciplinaire associant les élus, la direction
générale, la direction des ressources humaines, le service de
prévention, les représentants du personnel, la psychologue du
travail qui, elle, est rattachée au Service GPEC, en charge du
dossier des agents en restrictions médicales.
A l’origine de la démarche, création d’un groupe de
pilotage, maître d’ouvrage du projet. Il est une
émanation des commissions CHS/CTP et est composé de 25
membres : 8 représentants du personnel dont 4 élus, 10
représentants des partenaires sociaux et 7 personnes qualifiées
(médecins du travail, préventeurs, psychologues, agents de la
DRH). Cette instance est dotée d’un chef de projet (chargé de
mission RH qui traite aussi le dossier de l’insertion
professionnelle des agents en situation de handicap dans la
collectivité, en collaboration avec le FIPHFP). Il est
responsable de l’organisation des réunions et des formations, du
suivi et de l’animation du projet et est assisté d’un groupe
restreint de gestion de projet composé du DGSA, des responsables
du Pôle Emplois/Compétences et du Service GPEC, ainsi que de la
psychologue du travail.
La ville a bénéficié de l’appui de l’Aract
Auvergne dans l’aide à la définition de la méthodologie
de projet.
Elle fait également appel à un prestataire pour la phase
de formation action intégrée au projet. S’appuyant sur
des analyses de postes de travail, la formation est destinée à
faire comprendre et détecter les formes de pénibilité, sources
d’usure au travail.
Elle concerne 24 personnes : des membres du comité de
pilotage (partenaires sociaux, psychologues, préventeurs et chef
de projet). Ce contingent est complété par des ACMOS et agents
issus de différents services dotés d’un effectif important.
En s’adressant à des agents de la collectivité, cet enseignement
doit permettre la conservation du savoir et sa diffusion interne
en vue d’étendre la démarche à toutes les situations de travail
dans la collectivité.
Le programme de formation est constitué de sessions théoriques
(essai de définition de la pénibilité, critères et
indicateurs) ; de sessions pratiques (méthodologie
d’intervention, investigations de terrain sur 3 métiers
test) ; enfin d’une phase d’analyse des résultats et
propositions de solutions.
Quelles sont les étapes ?
La formation doit servir à tester la méthode de repérage des
pénibilités sur les 3 métiers tests, choisis par le groupe de
pilotage. Il s’agit des Assistants territoriaux spécialisés des
écoles maternelles, des agents d’accueil/secrétariat et des
balayeurs de la voirie.
Les résultats des investigations seront analysés par le groupe
pénibilité avec l’aide éventuelle de ressources externes et des
pistes d’amélioration seront proposées aux CHS et CTP. Il
appartiendra alors à ces instances de solliciter les moyens
nécessaires à la prévention de la pénibilité au travail sous ses
aspects physiques, psychiques et physiologiques.
> Quelques éléments sur :
Le service prévention
Rattaché à la Direction des ressources humaines, le service
« Santé et prévention sécurité au travail » est
composé de 9 personnes dont 2 préventeurs faisant également
fonction d’ACFI, d’un médecin statutaire et de contrôle et de 2
médecins de médecine professionnelle.
2 infirmières et 2 personnels administratifs complètent ce
service.
Le personnel médical participe étroitement à l’élaboration et
au suivi de la politique Hygiène/sécurité de la ville en lien
avec les instances paritaires.
Les données santé-sécurité
3 000 agents répartis sur plus de 240 métiers.
Au cours des trois dernières années, le nombre d’accidents de
travail tend à diminuer, mais la durée des arrêts de travail
augmente (15 jours en moyenne en 2006, 22 jours en 2008). En
outre, la ville enregistre une forte augmentation des demandes
de reconnaissances en maladie professionnelle. Vingt-quatre
d’entre elles ont reçu un avis favorable, dont plus de la
moitié pour des troubles musculo-squelettiques. Les autres
reconnaissances concernent des troubles anxio-dépressifs, des
problèmes de surdité et de dermites.
L’absentéisme pour raisons de santé porte, plus
particulièrement, sur les métiers « physiques ». Les
personnes les plus touchées sont les agents d’exécution dans
les services de voirie, les agents de nettoyage et maintenance
des locaux et les métiers de la petite enfance.