L'étude « Les Français et la fatigue informationnelle » rapportée en décembre 2024 par l’ObSoCo (Oservatoire Société & Consommation) en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès et ARTE, dresse un portrait peu reluisant de notre rapport à l'information. Submergés par un flot incessant de données, nos cerveaux crient grâce. Résultat ? Un sentiment de noyade informationnelle qui s'installe, poussant certains à se replier sur eux-mêmes. Et ne croyez pas que les collectifs de travail sont épargnés : dans les TPE-PME, où la polyvalence est reine, le risque est démultiplié.

 

Un constat sans appel : l’information tue l’information (et le reste)

Nous sommes submergés. Le "trop d'informations tue l'information" est une réalité palpable. Dans nos TPE-PME, où l'on jongle avec plusieurs casquettes, la surcharge cognitive est explosive. Polyvalence rime souvent avec surmenage, et le cerveau sature. Le FOMO, cette peur panique de rater LA news, LA tendance, LE truc à ne pas manquer, ajoute une couche de pression. On veut tout savoir, tout de suite, et on finit lessivés.

 

Cette peur de manquer quelque chose est un phénomène psychologique qui pousse les individus à rester constamment connectés et à consommer de l'information de manière excessive, toujours plus encouragé par la puissance algorithmique développée par les réseaux sociaux. Cette économie de l’attention, plus qu'une tendance, est un moteur puissant de la fatigue informationnelle. L’hyperconnexion nous maintient scotchés à nos écrans, augmentant notre exposition à l'information. La peur de rater une information clé biaise nos choix, nous rend indécis.
 

 

Des dégâts collatéraux : quand l'information rend malade

Ne vous y trompez pas, la fatigue informationnelle n'est pas une simple nuisance. Elle creuse un sillon profond dans la santé physique et mentale de vos collaborateurs :
 

  • Stress chronique : sentiment d'être constamment dépassé, perte de contrôle.

  • Troubles du sommeil : l'esprit tourne à plein régime, même la nuit.

  • TMS (troubles musculosquelettiques) : la tension nerveuse se répercute sur le corps, les muscles se crispent.

  • Anxiété, dépression : l’épuisement guette, la motivation s'effondre.

  • Repli sur soi : l'étude le souligne, le retrait de l'information est une réaction fréquente, mais dangereuse. Elle isole et peut mener à une perte de sens.
     

L'addition ? Absentéisme, baisse de productivité, voire des cas d'inaptitude et de handicap. Le tout, sur fond de perte de sens et de désengagement. Sans compter sur le « doomscrolling », le fait de faire défiler indéfiniment des nouvelles négatives sur Internet, souvent de manière compulsive, même si ces informations sont irritantes ou déprimantes. 

 

Une évolution, plus qu'une mode

La fatigue informationnelle n'est pas un simple effet de mode. Elle s'inscrit dans un contexte sociologique plus large. La démocratisation des smartphones et des réseaux sociaux a créé une culture du "toujours disponible". L'information circule à une vitesse fulgurante, créant un sentiment d'urgence constant. La prolifération des fake news et des théories du complot alimente un climat de suspicion et d'incertitude. L'accès à l'information n'est pas égalitaire, creusant les inégalités.

Hyperconnexion, accélération du temps, crise de confiance, fractures sociales… Ces enjeux sociétaux nous rappellent que la fatigue informationnelle est un problème complexe, qui nécessite une approche globale.

 

Transformer le fardeau en atout

Alors, comment agir, concrètement ? Pas de panique, des solutions existent, adaptées à la réalité des TPE-PME :

 

Outre l’éducation à l’information (filtre, décodage des infos, gestion du temps), une réflexion autour des outils de collaboration utiles et performants peut être menée, via des plateformes internes centralisées et facilitant le partage d’infos, sans noyer le collectif. Des alertes personnalisées permettent de diffuser l'info pertinente, au bon moment. L’usage des messageries instantanées doit être mieux maîtrisé via des règles claires pour éviter la surcharge.

 

La culture d'entreprise saine encourage la déconnexion en dehors des heures de travail (droit à la déconnexion), valorise du temps calme (espaces de silence, moments de pause) et apporte écoute et soutien psychologique aux collaborateurs dans le besoin.

 

Elle est notamment envisageable dès lors que les dirigeants, les responsables, les chefs d’équipe montrent l'exemple en limitant la consommation d'informations, valorisent le travail bien fait, encouragent l’efficacité, pas l’hyperactivité du "toujours connecté" et créent un climat de confiance dans lequel dialogue et partage cohabitent avec justesse et pertinence.
 

 

Le pari d’une entreprise humaine et performante

Patrons de TPE-PME, ne voyez pas la fatigue informationnelle comme une fatalité. C'est une opportunité de repenser votre organisation, de remettre la présence et l'humain au cœur de votre stratégie. En investissant dans le bien-être de vos équipes, vous boosterez leur motivation, leur créativité, leur productivité. Et vous ferez de votre entreprise un lieu où il fait bon travailler, un aimant à talents et une communauté plus résiliente face aux difficultés. Un collaborateur plus présent et serein est un collaborateur performant. Et une entreprise humaine est une entreprise durable. 
 

 

Yann KAPPES

Chargé de mission handicap CPME Auvergne Rhône Alpes
 

Cet article contribue à favoriser l’inclusion professionnelle des demandeurs d’emploi en situation de handicap et d’accompagner les entreprises à structurer et valoriser leurs démarches. Avec le soutien de l’AGEFIPH et cofinancée par le Fonds Social Européen dans le cadre du programme opérationnel national « Emploi - Inclusion - Jeunesse - Compétences 2021-2027 ».

 

 

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