Thierry Portal - Projet Cassandre : Décrypter les signaux faibles annonciateurs de crise

Décrypter les signaux faibles annonciateurs de crise

|| Crise
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09/07/2013
Thierry Portal - Projet Cassandre
Thierry Portal
initiateur et pilote
Projet Cassandre
Après un début de carrière en administrations centrales et territoriales, Thierry Portal est aujourd’hui consultant en communication sensible auprès de structures publiques et privées. Avec l’appui scientifique de Christophe Roux-Dufort*, de l'université Laval (Québec), il a initié le projet Cassandre destiné à apporter un autre regard sur la naissance des crises.

Quelle a été la genèse du projet Cassandre ?
Le projet Cassandre est né du constat qu’il manquait, dans l’ensemble des écrits existants autour du sujet des crises, une réflexion sur l’émergence des crises et les signaux faibles qui peuvent la précéder.
Il existe un certain nombre d’études d’experts qui ont observé la crise à partir de l'évènement déclencheur jusqu’au retour à la normale. Mais aucune n’a été consacrée à l’avant-crise et les indices originels et originaux qui peuvent nous alerter sur la survenance d’une crise. Le projet Cassandre est donc une première dans l'espace francophone puisqu'il se propose de visiter l'antichambre de la crise au travers de l'idée de signes précurseurs...
Le mythe de Cassandre est tout à fait d’actualité lorsque l’on parle de crise, puisqu’il est symbolique d’une capacité prédictive qui n’est pas entendue, avec en son cœur : l'ignorance, l'aveuglement, la surdité. Nous partons en effet d'une définition de la crise qui, à l'évènement déclencheur (la crise, la catastrophe), ajoute une dimension processuelle : la crise est l'aboutissement d'un processus d'accumulation de fragilités et de dysfonctionnements qui, en atteignant un seuil d'intolérabilité, génère une rupture. Qui dit accumulation dit un espace où des informations émergent pour faire comprendre le sens de ce qui risque d'advenir. C'est dans cette antichambre de la crise qu'apparaissent ces fameux signaux faibles...

Qui sont les contributeurs sollicités pour participer à ce projet ?
Nous avons sollicité des spécialistes de la crise, universitaires, chercheurs, intellectuels, issus d’univers différents et complémentaires, afin d’ouvrir cette vision novatrice. Des personnalités reconnues telles qu’Elie Cohen, Michel Aglietta, Nassim Nicolas Taïeb… se sont volontiers prêtées au jeu. Des grands témoins également, Corinne Lepage, Didier Houssin (ancien directeur général de la Santé), Pierre Zémor (conseiller d'Etat), Pierre Papon (ancien directeur général du CNRS, président du Forum Endelberg), Alain Bauer (criminologue), Dominique Bourg (philosophe de l'environnement), Louis Crocq (médecin général des armées, fondateur des CUMP), Patrick Lagadec (directeur de recherches à Polytechnique, consultant)… ont participé au projet. Ainsi que de très nombreux chercheurs, principalement en sciences humaines et/ou sociales et en sciences et techniques.
Au total, nous avons eu une trentaine de contributions, rassemblées dans l’ouvrage « Prévenir les crises » sous-titré «  Ces Cassandres qu'il faut savoir écouter », paru aux Editions Armand Colin en juin 2013.

Quelle est la question centrale de votre travail ?
La question qui est posée est de savoir s’il est possible et souhaitable de repérer les signaux annonciateurs d’une crise, ce que l’on appelle les signaux faibles.
A partir de cela découle une multitude d’autres questions : comment entendre et faire comprendre les signaux faibles ? Quels sont les biais cognitifs et organisationnels qui peuvent en perturber la perception ? Existe-t-il des outils pour mieux déceler ces signaux faibles ? …
Nos contributeurs ont proposé à la fois des approches théoriques très fines mais aussi des visions opérationnelles qui apportent beaucoup à la compréhension de la genèse des crises.

Qu’apprend-on dans « Prévenir les crises » qui est donc le premier aboutissement du projet Cassandre ?
Cet ouvrage n’est pas un manuel opérationnel, entendons-nous bien. L’objectif est vraiment d’interroger la notion de crise afin de rendre nos sociétés plus mâtures face aux risques mais aussi et surtout de susciter l’intérêt d’un public plus large que les cercles habituels d’experts. Les diverses contributions posent une base de discussion pour redessiner les contours de l'étude des crises et proposer aux opérationnels, par exemple les risk managers, une autre culture du risque.
Elles ont pour vocation d’éveiller la curiosité, d’ouvrir une vision différente et à 360° sur le monde qui nous entoure et les crises de plus en plus fortes et fréquentes qui le secouent.

*Christophe Roux-Dufort est professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’administration (Département de management) de l’Université de Laval (Québec), chercheur, auteur, conférencier et consultant.