Hervé POLESI - ABRAPA : La pénibilité des emplois féminins est injustement sous-évaluée

La pénibilité des emplois féminins est injustement sous-évaluée

ORGANISATION DE LA PREVENTION || Pénibilité
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30/05/2017
Hervé POLESI - ABRAPA
Hervé POLESI
Directeur du Pôle Développement
ABRAPA

En France, le secteur des services à la personne représente plus de 2 millions de salariés, à plus de 98% des femmes. Avec un taux AT-MP supérieur à celui du BTP, ce secteur est pourtant curieusement absent des politiques de prévention.
Analyse

Existe t’il une différence de traitement entre emploi féminin et emploi masculin en termes de prévention ?
Très clairement oui. La prévention et la prise en charge de la santé sécurité au travail en France s’est construite sur un modèle après-guerre imaginé par les hommes pour les hommes.
Dans le secteur des services à la personne tout particulièrement, ces emplois essentiellement occupés par des femmes sont identifiés par le grand public et certains professionnels de la prévention comme non pénibles. Dans la conscience collective partagée, ces emplois peu qualifiés (notons tout de même que les auxiliaires de vie ont un diplôme d’Etat) et à la portée de tous ne peuvent pas avoir d’impact sur la  santé physique et mentale de ceux qui les occupent. Or la réalité est toute autre.

Quels sont les facteurs de pénibilité inhérents aux emplois de service à la personne ?
L’une des grandes difficultés de ces emplois tient à l’adaptation permanente qu’ils nécessitent. En effet, les salariés interviennent aux domiciles des particuliers, avec des contextes de travail à chaque fois différents. Dans une journée, une salariée peut ainsi intervenir dans 8 environnements différents, avec également 8 bénéficiaires différents ayant chacun leur personnalité et leurs exigences. Cela nécessite à chaque fois un gros effort d’adaptation à l’environnement et à la personne et une forte fatigue cognitive. Lorsque l’on entend certains organismes sociaux et financeurs demander de réduire les temps  d’intervention à 30 minutes, c’est n’accorder aucune attention au bien-être des salariés.

Quelles solutions peut-on mettre en œuvre pour prévenir cette pénibilité ?
Comme indiqué plus haut, la première des mesures c’est de préserver un temps  d’intervention d’au minimum 1 heure.
Je ne peux détailler toutes les mesures concrètes que nous prenons au sein de notre association, car la lutte contre la pénibilité est faite de la prise en compte de multiples détails. Ainsi, par exemple, nous avons travaillé sur la prise en compte des autres acteurs qui peuvent être présents dans l’environnement de travail, à savoir les chiens. Nous avons donc organisé des séances de formation avec des comportementalistes canins pour donner des réponses pratico-pratiques face à l’animal souvent présent au domicile des personnes âgées.
Autre exemple, nous avons mis en place un partenariat avec l’Ecole d’Ostéopathie Européenne de Strasbourg pour que nos salariés puissent bénéficier gratuitement de soins.
Il faudrait également pouvoir développer la pratique de l’activité physique en prévention, comme les policiers nationaux qui bénéficient de 2h d’activité physique par semaine, mais pour cela, une structure à but non lucratif comme la nôtre manque encore de moyens.