Comment est née l’idée de cet exercice de prospective ?
En 2016, nous avions mené un premier exercice de prospective sur le futur du travail en 2040 et ses implications en termes de santé et sécurité au travail. Dans le cadre de ce premier travail, la question de la plateformisation du travail avait émergé comme l’un des bouleversements majeurs des années à venir.
L’exercice que nous venons de mener avec de nombreux partenaires tels que l’Anact, la CNAM, l’OPPBTP, le CREDOC, le CJD nous a permis de construire différents scénarios sur les évolutions possibles du travail via des plateformes et d’évaluer leurs conséquences en termes de santé et sécurité.
Un focus sectoriel a également été réalisé sur trois secteurs d’activités : le commerce de détail, le second œuvre du bâtiment et la santé.

Quelles sont les caractéristiques spécifiques du travail plateformisé  qui impactent la prévention ?
Les plateformes déploient des formes d’organisations qui échappent complètement au cadre classique du travail. Il devient donc très difficile d’appliquer les principes généraux de prévention. Par exemple, certaines plateformes d’intermédiation ne s’appuient que sur des travailleurs indépendants. Il n’y a donc plus de relation employeur /  salariés. Le levier réglementaire sur lequel s’appuie notamment la prévention (obligation de sécurité de résultat) devient inopérant, le levier incitatif via les taux de cotisation AT-MP également.
Par conséquent, intégrer la prévention dans le cadre du travail relève essentiellement de la bonne volonté des plateformes.

Quels effets de la plateformisation du travail sur la santé avez-vous identifiés ?
Ce mode de travail est potentiellement générateur de risques. L’intensification du travail, la faible autonomie laissée aux opérateurs, l’absence de collectif social et l’insécurité des situations de travail sont autant de facteurs engendrant des risques psychosociaux et propices à la survenue d’accidents.
Mais nous avons aussi identifié  des aspects potentiellement positifs. Dans le second œuvre du bâtiment, par exemple, les plateformes pourraient contribuer à l’amélioration des conditions de travail des artisans. En effet, en prenant en charge tous les aspects administratifs, elles leur permettent de se concentrer sur leur cœur de métier. Les plateformes peuvent également favoriser et mutualiser les achats d’équipements de protection individuelle et d’outils ergonomiques.

Quelles recommandations émettez-vous à la suite de cet exercice ?
La concurrence entre ces plateformes est de plus en plus exacerbée et la fidélisation des travailleurs indépendants va devenir un enjeu majeur dans les années à venir pour garantir des prestations de qualité. Les engagements en termes de protection de la santé des travailleurs pourraient alors  devenir un atout pour les attirer et les fidéliser.
Après s’être focalisées sur l’expérience client, nous les invitons à davantage s’intéresser à l’expérience travailleur.