Notre société est-elle suffisamment préparée aux enjeux
grandissants liés à la perte d'autonomie et au vieillissement de
la population ?
Les choses commencent à bouger, notamment en termes de
réglementation avec la loi du 28 décembre 2015 sur l'adaptation
de la société au vieillissement qui promeut le maintien à
domicile et a donc renforcé le statut de proche aidant. Les
salariés aidants bénéficient désormais de possibilités de congés
supplémentaires (le congé de proche aidant) d'une durée de 3 mois
fractionnables (renouvelable pour une durée totale de 1 an
maximum) non rémunérés. Mais les mentalités évoluent lentement,
et il est nécessaire d'accentuer la prise de conscience autour de
ces enjeux. En 2008, il y avait 8,3 millions d'aidants, en 2016
nous estimons qu'il y en a 11 millions. Nous pouvons tous être
amenés un jour ou l'autre à devenir aidant ou à côtoyer un
aidant, notre collaborateur, notre collègue ou notre chef de
service. Mais ces salariés aidants hésitent souvent à se faire
connaître et à se faire aider de peur d'être stigmatisés. Par
voie de conséquence, 2 aidants sur 3 ont l’impression que leur
employeur ne prend pas en compte leur situation d’aidant.
Comment les entreprises peuvent-elles mieux prendre en
compte ces salariés particuliers que sont les aidants
?
Effectivement, les aidants ont besoin d'être mieux accompagnés
dans leur vie professionnelle. S'ils ne font pas part de leur
situation à leur manager, cela peut créer des malentendus quant à
leur implication dans leur entreprise. En effet, ils sont amenés
à s'absenter plus souvent, en moyenne 16 jours de plus qu'un
salarié non aidant. Les salariés aidants sont souvent en
situation de stress devant jongler entre vie privée, vie
professionnelle et rôle d'aidant. Il faut savoir qu'en moyenne
226 kms séparent l'aidant de l'aidé, c'est donc très compliqué à
gérer. Beaucoup d'aidants sont obligés de s'arrêter de travailler
et s'isolent petit à petit. L'employeur peut faciliter le rôle
d'aidant en proposant un aménagement du temps de travail ou en
favorisant des initiatives telles que des ateliers de
sensibilisation ou de formation, les dons de RTT, ou la
constitution de réseaux d'entraide avec des salariés
bénévoles...
L’enjeu pour l’entreprise est d’appréhender la pluralité des
situations d’aide pour proposer et mettre en œuvre des
dispositifs de soutien à destination de ses salariés en situation
d’aidant.
Les aidants ont eux-mêmes besoin d'être aidé
?
Souvent, quand on est aidant, on se sent très seul. En premier
lieu, lorsque l'on est aidant, il ne faut pas hésiter à en parler
et à partager. C'est dans cette optique que nous avons créé la
plateforme collaborative "La
Compagnie des Aidants" pour permettre à tous les aidants de
bénéficier de différentes ressources : des conseils, un espace
"solutions et services" spécifiquement adaptés aux besoins des
aidants, deux annuaires géolocalisés d'aidants et de bénévoles,
prêts à donner un petit coup de main en cas de besoin : aller
chercher un médicament, conduire la personne aidée à une
consultation… Se sentir moins seul et pouvoir continuer à
travailler, c'est essentiel pour le moral. Pour les aidants, le
travail est perçu comme source de répit, un lieu où ils peuvent
s'échapper des soucis et s'épanouir. C'est très important de
pouvoir préserver la vie professionnelle et nous multiplions donc
les initiatives pour sensibiliser les entreprises et les aidants
et accentuer la prise de conscience autour du rôle d'aidant.
La Journée Nationale des Aidants le 6 octobre sera d'ailleurs
orientée cette année sur la thématique " Conciliation vie
professionnelle et rôle d'aidant".
Venez écouter Juliette Dupille à Préventica Rennes lors de sa conférence "Concilier vie professionnelle et rôle d'aidant", le mardi 4 octobre à 10h30