Julien Carretier - Unité Cancer Environnement Centre Léon Bérard : Les cancers professionnels, un enjeu de santé publique

Les cancers professionnels, un enjeu de santé publique

|| Santé au travail
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25/06/2014
Julien Carretier - Unité Cancer Environnement Centre Léon Bérard
Julien Carretier
Docteur en Santé Publique, Responsable Information des Publics
Unité Cancer Environnement Centre Léon Bérard
On estime qu’environ 15 000 cas de cancers ont une origine professionnelle, alors que 2 000 patients atteints d’un cancer sont reconnus en maladie professionnelle, ce chiffre est certainement sous-évalué. Le Centre Léon Bérard à Lyon a été le premier centre de lutte contre le cancer à ouvrir en 2010 une consultation dédiée aux cancers professionnels. Le point sur les enjeux de la prévention.

Quels sont les principaux facteurs professionnels de cancers identifiés à ce jour ?
Le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) examine la cancérogénicité éventuelle de produits chimiques, de mélanges complexes, d'expositions professionnelles, d’agents physiques et biologiques et de facteurs comportementaux. Le terme d’agent est utilisé pour désigner l’ensemble.
Le CIRC a défini 4 groupes de 1 à 4, de « l’agent est cancérogène pour l’Homme » pour le groupe 1 (actuellement 113 agents), à « l’agent est probablement cancérogène pour l’Homme »(groupe 2A), « l’agent est peut-être cancérogène pour l’Homme » (groupe 2B), « l’agent est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’Homme » (groupe 3, 505 agents actuellement concernés) et  « probablement pas cancérogène pour l’Homme » pour le 4. Dans le groupe 1, on retrouve bien évidemment l'amiante qui est à l'origine de divers cancers : poumon, plèvre, larynx, ovaire. Même si l'utilisation de l'amiante est interdite depuis 1997, on estime que plus de 80 000 salariés en France seraient encore exposés.
Les poussières de bois figurent également parmi les agents cancérogènes avérés, l'exposition aux poussières de bois est à l'origine de 45% des cancers de la cavité nasale et des sinus de la face. D’autres expositions fréquentes concernent les huiles minérales et la silice. Enfin les gaz d’échappement des moteurs de diesel, pour lesquels il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle.
Le CIRC publie régulièrement des revues de l’ensemble des connaissances établies (appelées monographies) sur la cancérogénicité des agents examinés. Ce classement dans l’une des catégories est provisoire, les monographies étant régulièrement actualisées. Ces informations sont précieuses pour améliorer la protection des salariés à ces cancérogènes potentiels. Un exemple, le classement du perchloroéthylène (tétrachloroéthylène) dans le groupe 2A confirmé en 2012 par le CIRC, et l’engagement en France dès le 1er mars 2013, pour que l'installation de toute nouvelle machine de nettoyage à sec fonctionnant au perchloroéthylène soit  interdite dans des locaux contigus à des locaux occupés par des tiers ; les machines existantes fonctionnant au perchloroéthylène dans ces mêmes locaux contigus seront interdites de manière progressive, en fonction de leur âge (arrêté du 6 décembre 2012).

Comment repérer une origine professionnelle en cas de cancer ?
C'est une démarche d’investigation complexe. Le cancer peut se déclarer plusieurs dizaines d'années après l'exposition et il va donc falloir retracer l'histoire professionnelle du patient pour établir le lien entre travail et cancer.
C'est toute la finalité de la consultation "cancers professionnels" que nous avons ouverte au Centre Léon Bérard en partenariat avec les Hospices Civils de Lyon. La consultation est assurée par deux médecins, le Dr Barbara Charbotel (médecin de santé au travail) et le Dr Béatrice Fervers (cancérologue) afin de rechercher d’éventuelles expositions professionnelles chez les patients et d'identifier si le cancer est d'origine professionnelle. Le cas échéant, ce dispositif permet une prise en charge et un accompagnement du patient et ses proches dans une démarche de reconnaissance du cancer en maladie professionnelle.
Mieux identifier les cancers d’origine professionnelle, c’est mieux les prévenir à l’avenir.
Plus largement, notre objectif est d'améliorer la connaissance et la reconnaissance des cancers professionnels, notamment avec le site d'informations des publics sur les liens avérés ou suspectés de cancer en lien avec l’environnement, que nous animons au Centre Léon Bérard en partenariat avec le CIRC, le cancéropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes et le soutien de la Région Rhône-Alpes : cancer-environnement.fr. Le Centre Léon Bérard est aussi très investi dans la recherche, avec plusieurs projets d’envergure nationale et internationale sur l’origine professionnelle des cancers du poumon, les liens entre l'exposition aux pesticides et risques de cancer du testicule, et les liens entre exposition aux dioxines et cancer du sein notamment.

Quels moyens de prévention des cancers professionnels préconiser ?
Tout d'abord l'information et la sensibilisation, autant auprès des employeurs que des salariés. Les effets de l'exposition ne sont pas visibles immédiatement et le salarié n'a donc pas forcément conscience des dangers auxquels il s'expose. Le rôle du médecin du travail est donc essentiel pour repérer les situations potentiellement exposantes et accompagner l'employeur dans sa politique de prévention : substitution des substances cancérogènes, protections individuelles et collectives, limitation des expositions, mise en œuvre de recommandations nutritionnelles…
Et lorsqu'un salarié est potentiellement exposé, la surveillance médicale devra être renforcée.
Le Président de la République a lui-même fait de la prévention des cancers d'origine professionnelle une priorité du Plan Cancer 2014-2019. Nous devons tous nous mobiliser !

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