Henri Bastos - Anses : L'expertise de l'Anses au service de la reconnaissance des maladies professionnelles

L'expertise de l'Anses au service de la reconnaissance des maladies professionnelles

ORGANISATION DE LA PREVENTION || Maladies professionnelles
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25/05/2021
Henri Bastos - Anses
Henri Bastos
Directeur scientifique Santé Travail
Anses

Afin d’améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles et d’établir un état des lieux des connaissances scientifiques actuelles sur cette question, le gouvernement français sollicite l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour son expertise. Henri Bastos, Directeur scientifique Santé Travail au sein de l’agence, revient sur les raisons d’une nouvelle expertise.

Pourquoi est-il aujourd'hui nécessaire de changer notre approche dans la reconnaissance des maladies professionnelles ?
C’est une décision des pouvoirs publics, qui part d’un constat relativement partagé : il existe aujourd’hui un décalage entre les connaissances scientifiques existantes et l'évolution des tableaux de maladies professionnelles. Les connaissances progressent, mais depuis 2010, il n’y a eu que 5 révisions de tableaux et 3 créations de nouveaux tableaux. Or, il y en a eu plus d’une cinquantaine lors de la décennie précédente.
Cette situation de blocage tient notamment au fait que l’évolution des tableaux était essentiellement issue d’un compromis entre les partenaires sociaux où étaient mélangées les questions scientifiques, politico-sociales et économiques. Ce n’est un secret pour personne que les intérêts des organisations syndicales et patronales sont divergents sur l’évolution de ces tableaux, qui permettent une reconnaissance automatique du fait de la présomption d’origine. D’où une prise de retard sur les connaissances actuelles.
C’est pour cela que l’État a souhaité séparer ces deux phases ; la phase scientifique « pure », d’une phase nécessaire de discussion pour trouver un compromis social. Le rôle de l'Anses est de proposer une expertise scientifique, indépendante et collective, permettant aux commissions où siègent notamment les partenaires sociaux, de se prononcer sur la pertinence de la création ou l’évolution d’un tableau. Il appartient ensuite à l’État de décider de le créer ou de le faire évoluer le tableau sur la base de ces éléments.

Quels sont les objectifs à moyen et long terme ?
Le premier objectif de l’Anses était de réaliser une méthodologie sur laquelle se baser, pour répondre aux saisines des pouvoirs publics. Le but de cette méthodologie est de définir un cadre de recueil et d’analyse des données scientifiques. Il est dorénavant public, ce qui permet aux différents acteurs et parties prenantes concernées de s’en saisir et pourquoi pas de le critiquer, de l’interroger.
Ensuite, nous avons été saisis pour l’évolution possible de plusieurs tableaux.
Tout d’abord pour travailler sur la question du lien entre l'exposition aux pesticides et le cancer de la prostate, avec une attention particulière apportée à la question du chlordécone. Ces travaux-là ont été achevés et restitués. Ils seront publiés à partir du mois de septembre.

D'autres travaux sont en cours, notamment sur les liens entre amiante et cancer des ovaires, du larynx ou cancer colorectal, attendus pour la fin de l’année, ou encore une demande récente pour réaliser une expertise sur le lien entre le formaldéhyde et les lymphomes. Nous réalisons donc un travail évolutif, à plus ou moins long terme, pour faire l'état des lieux des connaissances existantes.


Que reste-t-il à entreprendre pour tendre vers une meilleure reconnaissance des maladies professionnelles, et surtout pour une meilleure prévention des risques ?
Tout d’abord, il faut poursuivre les études sur le lien entre les expositions professionnelles et les effets sur la santé. Il est également primordial d’améliorer la connaissance des expositions et d’en assurer leur traçabilité. Au-delà de l’amélioration de la reconnaissance, ces données sont surtout utiles pour améliorer la prévention et éviter que le risque ne se réalise, c’est-à-dire que les travailleurs tombent malades du fait de leur activité professionnelle.