La QVCT interroge le leadership de chacun sur l’efficacité de sa vision

MANAGEMENT RH / QVT || Management RH
/
12/12/2022

Les questions de QVCT demandent une évolution des pratiques de management et des comportements organisationnels vers davantage de prévention primaire. Or cette concrétisation suppose l’exercice d’un leadership par la formulation d’une vision efficace.


Les évolutions du cadre structurant de la QVCT (la loi santé de 2021 et le 4ème Plan Santé au Travail) mettent le leadership de chacun en question : non seulement il faut désormais faire preuve d’une certaine authenticité pour mobiliser les différentes parties prenantes à cette cause mais il convient aussi de créer du sens au travail dans une communauté de pratiques (cf. mes précédentes chroniques). Cela pose alors la question de la vision des personnes qui exerceront leur leadership pour faire évoluer les pratiques de Qualité de Vie et des Conditions de Travail. Néanmoins que signifie la vision ? Si le terme est très souvent employé au travail, il est rarement défini.

La notion de vision est très présente dans la littérature portant sur le leadership au regard de ses nombreux bienfaits. Selon le psychologue et consultant Ira M. Levin, la vision permet de rallier les énergies, de rassembler les aspirations, de susciter l’engagement des membres de l’organisation et même de les amener à prendre les initiatives nécessaires à la réalisation de l’avenir désiré. Dès lors, une vision claire et partagée animée par des valeurs humanistes engendre un effet mobilisateur et dans la mesure où elle a un sens pour les employés, elle facilite leur engagement organisationnel. Le passage de la QVT à la QVCT demande donc bien une mobilisation de la vision de chacun dès lors qu’il exerce son leadership.

Néanmoins, comment peut se définir une vision au niveau scientifique ?

Selon les chercheurs sollicités, les définitions sont très différentes (une rapide revue de littérature n’est donc pas envisageable) mais voici les principaux éléments à retenir. La vision renvoie en principe à une image mentale développée au sujet d’un état futur, possible et désirable de l'organisation. Cette vision peut ainsi être très vague (il s’agit alors d’un état rêvé ou d’un avenir idéalisé) ou au contraire très précise (cela renvoie à une déclaration d'intention ou à un objectif défini). Mais dans tous les cas, la vision doit permettre la projection d'un avenir réaliste, crédible et attrayant pour l'organisation qui est bien meilleur que ce qui prévaut à l'état présent. Aussi, la vision renvoie généralement aux valeurs partagées auxquelles l’organisation devrait aspirer, tout comme la QVCT.

Ainsi, par la mise en avant de sa vision, le leader s'adresse aux ressources émotionnelles et spirituelles des membres de l'organisation en les interrogeant sur leurs valeurs et leurs croyances, leurs engagements et même leurs aspirations. Le lien avec les questions de QVCT devient alors plus explicite. Néanmoins, dans ce cas, il faut garder à l’esprit que le leader ne se concentre pas sur les ressources physiques disponibles ou souhaitées (qu’il s’agisse des compétences humaines, des ressources technologiques ou économiques, etc.) mais sur la raison d’être de son organisation. Dès lors, par l’exercice de son leadership, le leader rejoint les impératifs de la loi PACTE tout en répondant aux attentes de la QVCT. Ses compétences sont ainsi encore plus révélées.

Proposer une vision à une organisation et à ses différentes parties prenantes suppose toutefois de savoir communiquer sa vision. Selon Richard Pépin, Professeur de comportement organisationnel à l’Université du Québec à Trois-Rivières, différentes étapes doivent être respectées :

  • Une vision bien énoncée doit être orientée vers un avenir idéal qui entrainera l’adhésion des différentes parties prenantes de l’organisation par son attrait mis en lumière et pour lequel cela vaut la peine de se dévouer. Elle est donc non seulement attrayante mais également porteuse de sens. Ainsi, la vision rend l’organisation unique.
  • La vision est forcément le reflet du système de valeurs du visionnaire qui sert de cadre de référence pour l’analyse de l’environnement et permet d’influencer les équipes pour qu’elles soient motivées à tendre vers cette image idéalisée de l'organisation future. Ces valeurs centrales constituent donc les fondements durables de l'organisation.
  • Le cadre de référence ainsi partagé servira alors d’interprétation de l'environnement à tous et sur le long terme, ce qui sera précieux si des ajustements stratégiques devaient être adoptés à plus court terme du fait d’une nécessaire flexibilité. En clair, une vision efficace possède un horizon temporel (entre 3 et 20 ans) plus long qu'une stratégie (de 1 à 5 ans) ou des plans d'action opérationnels d'entreprise (leur horizon étant de 6 mois à 2 ans).
  • La vision symbolise enfin le changement vers lequel les leaders s'efforcent de réorienter les comportements organisationnels. Le contenu d'une vision efficace doit alors représenter un défi ambitieux mais néanmoins réaliste pour que les équipes acceptent de changer non seulement leurs façons d’agir mais aussi de penser.

En conclusion, les questions de qualité de vie et des conditions de travail et plus seulement de QVT, rendent essentielle la formulation d’une vision qui mobilise chacun sur la prévention primaire. Cela suppose néanmoins que tous ceux qui veulent que cela se concrétise exercent leur leadership. Pour cela, ils peuvent s’appuyer sur les deux piliers du cadre structurant de la QVCT. La loi santé de 2021 et le 4ème Plan Santé au Travail ont en effet des temporalités différentes (l’une jusqu’à la prochaine loi ; l’autre, jusqu’en 2025) qui permettent la formulation d’une vision efficace. Or c’est justement ce qui est nécessaire pour que l’évolution des pratiques de management et celle des comportements organisationnels vers davantage de prévention primaire puissent exister. 

Pour aller plus loin : 

Levin, I.M. (2000). Vision revisited. The Journal of Applied Behavioral Science, vol. 36, n° 1, 2000, pp. 91-107.

Dvir, T., Kass, N., Shamir, B. (2004). The emotional bond: Vision and organizational commitment among hightech employees. Journal of Organizational Change Management, vol. 17, n° 2, 2004, pp. 126-143.

Bennis, W., Nanus, B. (1985). Leaders: The Strategies for Taking Charge. New York: Harper and Row.

Pépin, R. (2005). Concevoir et communiquer une vision. Gestion, 30(2), 24-33.