Le contrôle des entreprises en matière de santé-sécurité au travail, une priorité d’action des services d’inspection du travail
Pas question de baisser la garde sur les risques professionnels … Tel est le mot d’ordre de la DGT, qui vient de publier ce mois-ci son « Bilan 2021, Premières tendances 2022 et Perspectives 2023 » concernant les priorités d’actions des services d’inspection du travail.
Pas question de baisser la garde sur les risques professionnels … Tel est le mot d’ordre de la DGT, qui vient de publier ce mois-ci son « Bilan 2021, Premières tendances 2022 et Perspectives 2023 » concernant les priorités d’actions des services d’inspection du travail.
En matière de protection des travailleurs, la thématique santé-sécurité est placée en « tête de gondole » des préoccupations.
Il en ressort des grandes tendances, à mettre en perspective avec :
- Les axes de priorités définis par le Ministère du travail dans le cadre du PST4 (2021-2025), et sa déclinaison particulière au travers du Plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels au travail (2022-2025).
En termes de politique publique, l’accent a été mis dans ce cadre sur les principaux risques professionnels que sont :
- Le risque routier professionnel et le risque de chutes de hauteur ou de plain-pied (respectivement 1ère et 2e cause de décès d’origine professionnelle) ;
- Les troubles musculosquelettiques et le risque chimique (respectivement 1ère et 2e cause de maladies professionnelles) ;
- Les risques psychosociaux (RPS).
- Les statistiques de sinistralité ATMP, dont les chiffres clés pour 2021 viennent également d’être publiés par la CNAM, et font ressortir une tendance à l’augmentation des accidents de travail et de trajet due à la reprise post-Covid, avec quelques marqueurs en matière d’accidentologie :
- 3 risques principaux : les manutentions manuelles (50%), suivies des chutes de plain-pied et de hauteur (30%), puis des outillages à main (9%) ;
- Un nombre d’accidents mortels du travail qui ne diminue plus (645 décès recensés par l’Assurance maladie, en lien avec des accidents de la route, des équipements de travail, des engins dangereux, des chutes de hauteur, etc.) ;
- A noter un phénomène d’ordre sociétal, de forte progression (+18,6%) des accidents liés aux nouvelles formes de mobilité en trajet ou mission (vélo, trottinette, etc.). Cela appelle à notre avis une attention toute particulière en termes de prévention pour les entreprises souhaitant accompagner le développement de ces moyens de transports alternatifs, notamment sur le plan des incitations financières aux salariés ou des moyens mis à disposition : attention en effet à ne pas occulter la dimension sécurité dans les arbitrages et ne pas favoriser des pratiques à risques …
Dans ce contexte, la DGT annonce pour 2023 certaines perspectives en termes de priorités d’action des services d’inspection du travail, sur les points de réglementation relatifs à des risques particulièrement graves encourus, tels que :
- Risque amiante ;
- Risques chimiques et CMR ;
- Utilisation des équipements de travail et aux engins de levage (étant rappelé que la loi santé-travail n° 2021-1018 du 2 août 2021 a parallèlement renforcé la surveillance du marché des équipements de travail et les sanctions en cas de non-conformité susceptible de compromettre la sécurité) ;
- Risques liés aux travaux en hauteur (cf. 30% des AT/ 18% des accidents du travail mortels) ;
- Risques électriques ;
- Risques d’ensevelissement ;
- Risques TMS (87% des maladies professionnelles).
Si bien entendu, cela ne doit pas être considéré comme une liste exhaustive ou limitative, cela donne une idée des points susceptibles d’être systématiquement analysés en cas de contrôle.
Précisons que dans le cadre du plan national d’actions 2020-2022 figurait également le contrôle des établissements type SEVESO (en parallèle des DREAL sur le volet installations classées pour la protection de l’environnement), et la prévention du risque Covid-19.
En lien avec ces champs de risque, les inspections du travail auront également d’autres priorités d’action, de nature plus catégorielle, concernant le respect de la réglementation du travail pour les populations particulièrement exposées ou de catégories de travailleurs vulnérables (cf. jeunes ; contrats précaires tels que CDD, stages, temps partiels ; travailleurs étrangers détachés ; indépendants TNS).
La DGT vient rappeler que l’action du système d’inspection du travail (SIT) est duale, à la fois préventive avec une vigilance accrue concernant les risques d’accidents graves et mortels ainsi que les maladies professionnelles, mais également répressive (sanction des comportements délictuels).
Ajoutons que parmi ces priorités figure également la question du dialogue social, et donc nécessairement du fonctionnement des CSE de « 2e génération » (cf. période actuelle de renouvellement des élections professionnelles), sachant que l’implication du CSE en termes de contribution à la prévention des risques est une question majeure tant sur le plan organisationnel que social ou juridique.
Avec un effectif d’environ 1 841 agents de contrôle au 31 décembre 2021, le bilan national est le suivant :
- Des contrôles majoritairement orientés vers les TPE-PME de moins de 50 salariés (68%), et majoritairement sur place en présentiel (60%), ce qui laisse une place significative aux contrôles sur pièces (d’où l’importance de veiller à la bonne tenue de la documentation réglementaire, à commencer par le document unique dans ses versions successives ainsi que le PAPRIPACT ou le plan d’actions) ;
- Des interventions ciblant prioritairement le secteur de la construction (27%), de l’industrie (13%) et du commerce (12%) ;
- Des campagnes de contrôle soutenues en volume d’intervention, avec par exemple :
|
2020 |
2021 |
2022 (1er semestre) |
Chutes de hauteur |
25 890 |
31 520 |
17 113 |
Amiante |
9 773 |
13 886 |
6 740 |
ICPE/SEVESO |
1 606 |
1 743 |
948 |
COVID-19 |
39 179 |
30 013 |
8 016 |
- Un recours privilégié aux lettres d’observations en cas de constat de manquement lors des interventions, avant toute éventuelle mesure coercitive :
Type de suites |
2020 |
2021 |
2022 (1er semestre) |
Lettres d'observations |
148 689 |
157 061 |
77 713 |
PV |
4 037 |
4 619 |
2 445 |
Décisions |
33 061 |
38 870 |
18 825 |
Mises en demeure/ demandes vérification |
4 674 |
5 677 |
3 332 |
Arrêts activité/ chantiers |
4 873 |
5 368 |
3 213 |
Autres |
12 368 |
13 062 |
5 774 |
Nombre total de suites |
207 702 |
224 657 |
111 302 |
Sans doute faut-il quelque peu nuancer cette approche « pédagogique », car en pratique, ces mesures administratives sont généralement l’antichambre de suites plus coercitives, voire de poursuites pénales, ou dans certains cas, de sanctions administratives.
Notons d’ailleurs un développement du recours aux amendes administratives, l’effet « portefeuille » étant souvent jugé plus efficaces que la voie judiciaire pénale, dans certains domaines tels que notamment le contrôle de la durée du travail (ainsi en 2021, 2160 décisions de sanctions administratives ont ainsi été notifiées pour un montant global d’environ 11,2 millions d’euros d’amendes).
Les entreprises concernées doivent donc veiller à prendre toutes les mesures nécessaires pour y répondre efficacement et en temps utile, et si besoin se faire accompagner par leur conseil (avocat, IPRP, SPST, etc.).
Le contrôle étant le « bras armé » de la prévention, ces statistiques imposent aux dirigeants de bien considérer les enjeux de responsabilité administrative, pénale et civile pour l’entreprise, voire pour eux-mêmes, d’autant que les risques sont au quotidien.
Rappelons ici l’importance de bien organiser l’entreprise avec un système de délégations de pouvoirs adapté aux risques.
Précisons que sur le plan de la politique pénale, le Ministère de la Justice a de son côté pour objectif que les Parquets portent une « attention plus soutenue aux atteintes graves aux personnes », tout en insistant sur « la mise en œuvre des réponses individualisées et graduées, ayant du sens pour les victimes et les auteurs, pour réparer le préjudice, prévenir la réitération des faits et participer à la réinsertion des mis en cause » (cf. Circulaire CRIM 2022–16 du 20 septembre 2022).
Dans un contexte d’obligation de sécurité et de protection de la santé renforcée, il est essentiel pour l’entreprise de travailler à la fois sur sa conformité réglementaire, mais aussi (et surtout, car c’est là l’essentiel), sur la prévention et la maîtrise des risques afin d’éviter les sinistres.
Rappelons ici que la sécurité réelle ne saurait se résumer à une simple question de conformité documentaire.
Il faut pourtant souvent se battre en pratique contre une tendance à apprécier les situations en matière de santé-sécurité sous un angle essentiellement « formaliste ».