Qu'est-ce qui vous a poussé à mener cette étude ? Quel
était le constat initial ?
Dans notre laboratoire, nous nous sommes toujours intéressés à la
question des contraintes physiques et psychosociales, et à
l’évolution des capacités fonctionnelles avec l’avancée de l’âge.
Actuellement, nous constatons des personnes vieillissantes de
plus en plus nombreuses dans le monde du travail, donc il faut
que leurs capacités de travail soient maintenues. Il n’y a par
ailleurs pas que l’effet de l’âge ; il y a également les
exigences physiques et psychosociales que l’on rencontre au
travail qui ont un impact sur les capacités de travail.
Face à ce constat, nous nous sommes intéressés au secteur du BTP,
car il possède un fort risque pour l’appareil locomoteur. Afin de
faire de la prévention et d’éviter une usure professionnelle,
nous avons souhaité interroger le parcours professionnel des
salariés, afin d’identifier des liens entre les contraintes
physiques ou psychosociales rencontrées et certaines capacités
fonctionnelles. Ce que l’on souhaiterait, c’est donner des outils
aux médecins du travail et aux autres professionnels de la
prévention pour alerter, mener des tests, et peut-être
accompagner ou réorienter les salariés avant l’apparition de
pathologies.
Quelle méthodologie avez-vous employée ?
La première chose dont nous avions besoin était des salariés du
BTP volontaires, à solliciter en dehors de le leur temps de
travail. Sur ce point, nous avons notamment collaboré avec le
Service Interentreprises de Santé au Travail du Bâtiment, des
Travaux Publics et activités connexes de la Lorraine.
Nous avons sollicité 1600 salariés, pour réussir finalement à en
rencontrer 153. Un technicien et moi-même nous sommes déplacés
dans toute la région pour aller au plus près des salariés, afin
de leur faire passer des questionnaires dans un premier temps.
Celui-ci portait sur leurs parcours professionnels, les
contraintes rencontrées, etc. Puis sur leur santé perçue.
Ensuite, nous avons réalisé 13 tests fonctionnels, issus de la
littérature, facilement transportables, compréhensibles et
pertinents dans la mise en évidence de capacités fonctionnelles
précises. Cela va de tests d’équilibre à des tests d’endurance,
de force, de coordination, ou encore de dextérité manuelle.
Quels sont les résultats ?
L’étude a conforté nos hypothèses dans certains cas. Nous avons
eu des associations pertinentes et cohérentes vis-à-vis de la
littérature existante. Par exemple, une contrainte physique comme
la posture accroupie est associée à un test d’endurance des
cuisses. Et en effet, nous avons constaté une endurance moindre
dans ces cas-là. De même pour certaines contraintes
psychosociales et leurs liens avec des contractures au niveau des
épaules, les capacités cardiorespiratoires…
Évidemment, tout ceci est pour le moment à mettre au
conditionnel, car 153 salariés est un nombre important, mais
insuffisant pour conforter ces associations. Pour obtenir une
validation, il faudrait faire de l’épidémiologie. Mais c’est une
porte ouverte à des études plus poussées.
Quelle suite souhaitez-vous donner à cette étude
?
À la suite de cette première étude, nous nous sommes dit qu’il
serait intéressant de faire une étude longitudinale ;
c’est-à-dire reprendre les mêmes salariés volontaires et voir ce
qui se passe au bout de X années. Pour le moment, la prochaine
étape serait dans 5 ans. Nous espérons commencer ce travail dès
2022.
