À quels obstacles se confrontent régulièrement les
personnes autistes au travail ?
Avant d’aller plus
loin, rappelons une chose importante. Il y a autant d’autismes
différents qu’il y a de personnes autistes. Tous ne souffrent pas
de la même chose. Nous pouvons néanmoins citer des points chauds
: les tissus sur la peau en cas de port d’uniforme ou tenue
réglementaire ; le bruit répétitif ou intense est difficile à
supporter ; tout comme la routine. Généralement, considérez
qu’une personne autiste a du mal à changer ses habitudes
brusquement. Ne la bousculez pas. Souvent donc, le chef pose
problème (rires). Enfin, le plus cristallisant, les relations
sociales informelles (fêtes, pots, pause café, ndlr) se révèlent
bien souvent impossibles. Voilà l’horizon global du mal-être des
autistes en entreprise.
Que peut faire l’employeur ou l’entreprise pour faciliter
leur intégration ?
Le vrai problème est donc que
c’est difficile pour elles de se calquer sur des pratiques de
travail qui sont souvent très codifiées, stéréotypées. Il y a un
problème d’adaptation dès le départ. Moi j’insiste : il faut
faire très attention à l’environnement de travail. Si vous
comptez embaucher une personne autiste, il faut aménager votre
organisation de travail en fonction du profil concerné. Mais en
réalité, ce devrait être le cas même en l’absence d’autisme :
aménager un espace de travail en fonction de la personne
aspirante (mal de dos, handicaps etc.). ça règlerait beaucoup de
problèmes. Le premier pas étant d’échanger profondément avec le
candidat pour définir la nature de son trouble et donc de ses
difficultés. Ce recrutement doit être pensé en amont en termes
d’aménagement des horaires ou des locaux. J’encourage les RH à se
former sur la question, et les collaborateurs à se sensibiliser.
Car derrière l’autisme il y a des souffrances réelles et
profondes.
Vous luttez au quotidien contre les idées reçues liées au
trouble autistique. Le monde professionnel est-il également
concerné ?
Tout n’est pas que négatif. Une personne
autiste peut être un vrai atout pour son entreprise.
L’avantage, c’est qu’elle est souvent « focus », concentrée,
déterminée à la tâche. En général rapide, elle peut aussi être
force de proposition, car très créative, mais également se
révéler être une grande source d’appui pour ses collègues.
Bien-sûr que les personnes autistes ont une grande capacité de
travail, et donc une grande productivité. On les considère encore
à tort comme des poids, qui ne seraient pas vraiment des
travailleurs. Ce sont parfois d’excellents profils. Mais
évidemment, il faut les laisser travailler.
Vous n’avez pas peur de dire aux personnes concernées
d’oser se lancer en solo ?
Certains autistes sont
très rapides, d’autres plus lents. Face à toutes les difficultés,
leur talent ne disparaît pas. Le travail en « remote » (à
distance, en télétravail ndlr) peut déjà leur permettre de
s’épanouir au travail, et même d’occuper des postes à
responsabilité. En tout cas la donne a changé. C’est à
l’entreprise de s’adapter au travailleur, de le mettre dans les
meilleures conditions. Mais comme je le soutiens souvent. Les
personnes autistes peuvent être de grands entrepreneurs, car ils
sont seuls avec eux même, ayant toute la latitude d’appliquer
leurs idées et approfondir. C’est ma vocation aujourd’hui,
encourager ces profils qui ont du mal à s’adapter, à se lancer.