Comment analysez-vous la mise en place du télétravail
lors du premier confinement ?
En mars, on y est allés sans aucune préparation en mode dégradé
et subi. Managers et salariés se sont organisés (ou pas) en mode
télétravail, mais sans avoir forcément les bons outils. En juin,
les retours ont été mitigés. Effectivement les bénéfices en
termes de concentration et de productivité ont été unanimement
reconnus et soulignés et beaucoup ont gagné un temps considérable
sur leurs trajets. Mais par ailleurs, les inconvénients sont
également ressortis : solitude, dilution du lien d’appartenance à
l’entreprise, organisation difficile des temps de travail,
surconnexion, déséquilibre de vies privée/pro, impacts
psychosociaux…tout le monde n’est pas sorti indemne de
l’expérience.
Ce qui ne fonctionnait pas dans les relations managériales dans
le mode de travail habituel s’est encore accentué avec le
télétravail : le manque de confiance, le micro-management,
le manque d’autonomie, le droit à déconnexion, les risques
psychosociaux, etc.
A la sortie du confinement, les entreprises sont reparties comme
avant sans faire le bilan de cette période particulière. Il n’y a
pas eu de formation aux bonnes pratiques de télétravail. Résultat
: avec ce 2e confinement, on repart en télétravail sans vraiment
avoir tiré les leçons de cette première expérience.
Quelles sont les clés pour que managers et salariés
s’épanouissent en télétravail ?
Il faut déjà assimiler que le télétravail, ce n’est pas un
pis-aller auquel on a recours parce qu’il y a la menace de
l’épidémie mais bien un mode de travail, une organisation à
laquelle il faut réfléchir à 3 : l’entreprise, le manager et le
salarié.
Pour que cette nouvelle organisation apporte perormance et
épanouissement, il faut que l’on puisse se dire les choses
positives et négatives : ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne
pas et les règles du bien travailler ensemble. Les salariés ont
besoin de pouvoir organiser leur journée, se ménager des périodes
d’indisponibilité où ils ne seront pas dérangés par les autres
mais aussi préserver des temps d’échange informels « à la machine
à café ». Ils doivent continuer à apporter leur aide aux
collègues, montrer qu’ils sont là même à distance.
Pour les managers, il y a nécessité d’apprendre à faire
confiance, c’est la clé. Ils n’ont plus leurs collaborateurs sous
les yeux. Pour des managers qui sont dans le contrôle, ce peut
être très déstabilisant et ils peuvent avoir tendance à contrôler
encore plus avec des appels, des mails,
des visioconferences, et une sursollicitation qui est
génératrice de stress pour le salarié.
Faire le choix de la confiance est gagnant pour tous : le
salarié gagne en autonomie, cela booste son esprit d’initiative
et sa créativité, le manager quant à lui gagne du temps, il a
mieux à faire que de suivre ses collaborateurs à la trace.
Vous êtes pessimiste sur la réussite du télétravail dans
cette 2e période de confinement, pourquoi ?
En juin, quand j’ai vu que l’épidémie était encore présente, je
pressentais que le télétravail était devenu un incontournable
pour nombre d’entreprises et que beaucoup de salariés allaient
poursuivre en mode hybride. De plus, pour certains l’expérience
avait été réussie. C’était l’opportunité pour les entreprises de
franchir le cap vers une nouvelle organisation plus en phase avec
les attentes des salariés. Cela n’a pas été le cas. Pour beaucoup
d’entreprises, pas d’information ni de sensibilisation, les
bonnes pratiques n’ont pas été mises en place, salariés et
managers pas formés, la culture d’entreprise n’a pas été
questionnée. Or, le télétravail est un changement comme un autre,
et à ce titre il s’accompagne.
Même si je ne le souhaite pas, on risque fort donc de retomber
dans les travers de mars.