En quoi les marchés publics sont-ils un problème pour les
entreprises de sécurité privée ?
Les marchés publics
occupent une place essentielle dans le carnet de commande des
sociétés de sécurité privée. Or, trop souvent, ces entreprises se
plaignent de voir les marchés publics se conclure à des prix trop
bas, avec des professionnels qui ne respectent pas forcément tous
les engagements nécessaires.
La situation est aujourd'hui paradoxale, avec d'un côté, des
autorités publiques qui affirment vouloir aider le secteur à se
professionnaliser et à adopter des pratiques plus transparentes
et plus éthiques, et de l'autre, des acheteurs publics qui, sur
le terrain, continuent à favoriser la pratique du
moins-disant.
Il est nécessaire d'engager un véritable travail de formation des
acheteurs publics et même une révolution mentale, pour qu'ils
comprennent que toutes les offres ne sont pas interchangeables et
qu’une bonne prestation de sécurité ne consiste pas seulement à
fournir indifféremment du temps de présence. Les acheteurs
doivent être capables de prendre des décisions fondées sur
d'autres critères que le seul prix. Ce problème n’est pas propre
à la sécurité privée, mais il y est particulièrement aigu et
concourt à maintenir le secteur dans ses travers structurels
(droit du travail ignoré, sous-traitance non maîtrisée, etc.), au
moins pour une partie du marché.
Pourquoi les acheteurs publics ne sont-ils pas plus
attentifs à la qualité des offres qu'ils analysent ?
Il y a plusieurs raisons. C'est très compliqué de bien acheter de
la sécurité privée. Bien souvent, l'acheteur ne sait pas définir
puis évaluer une bonne offre : entre un agent de sécurité de la
société X et un agent de sécurité de la société Y, comment faire
la différence, comment distinguer la valeur ajoutée d’une
entreprise plutôt qu’une autre? Et puis le critère prix offre
l'avantage de n'offrir aucune possibilité de contestation. Dans
un contexte de contraction des budgets, il est plus facile de
défendre le choix du moins-disant.
Les entreprises de sécurité privée ont aussi leur part de
responsabilité : nombre d’entre elles ne savent pas ou ne
cherchent pas à valoriser leur prestation. Elles pourraient par
exemple promouvoir les efforts entrepris en matière de
recrutement, de formation et de fidélisation de leurs effectifs.
La formation est encore trop souvent perçue comme une obligation
administrative alors qu’elle devrait être un argument de vente.
La fixité et l’ancienneté du personnel devraient rassurer
l’acheteur sur le climat social dans l’entreprise, l’efficacité
d’équipes particulièrement rodées et l’honnêteté d’agents
bien connus de leurs patrons. Dans un secteur où règnent la
rotation des effectifs et la sous-traitance, ce ne sont pas des
arguments indifférents.
Quelles sont les solutions pour faire évoluer les achats
publics ?
Il y a plusieurs voies possibles pour
améliorer les comportements d'achats. La première, c'est la
méthode douce, par la pédagogie. Cela passe effectivement par le
discours commercial et la formalisation des offres et
candidatures des entreprises de sécurité privée, mais aussi par
d'autres initiatives prises par les organisations
professionnelles ou les pouvoirs publics, comme la Charte de
bonnes pratiques d'achat de prestations de sécurité privée, par
exemple. La deuxième viendra des mutations des entreprises, par
la consolidation du marché, la réduction du nombre des TPE,
l’introduction et le développement de la technologie à des prix
acceptables, l’arrivée de nouveaux intervenants dans le sillage
de l’uberisation, un changement de la perception du coût –
humain, financier et d’image – d’un dispositif sécuritaire
défaillant ou médiocre. La troisième c'est d'attaquer en justice
les décisions d’attributions de marchés publics. Il existe
aujourd'hui des procédures contentieuses rapides, comme le référé
précontractuel, qui permettent de poser les bonnes questions :
toutes les règles de mise en concurrence ont-elles bien été
respectées ? Les prix des offres ne sont ils pas anormalement bas
? Plus ce type de procédure se multipliera, plus la
jurisprudence contribuera à « éduquer » les
intervenants du marché de la sécurité privée, comme cela a été
dans le cas dans d’autres domaines.
Pour terminer, présentez-nous en quelques mots le Club
des Jeunes Cadres en Sûreté ?
Le club s'inscrit
complètement dans la dynamique d'évolution et de
professionnalisation du secteur de la sécurité à laquelle on
assiste depuis plusieurs années, notamment avec la création du
CNAPS ou la promotion croissante de la coproduction de sécurité
publique-privée.
Le CJCS a vocation à accompagner et promouvoir une nouvelle
génération de cadres qui occupent des postes à responsabilité
dans le secteur de la sécurité. Nous souhaitons aller également
de plus en plus à la rencontre du public étudiant ou du monde des
ressources humaines pour leur faire découvrir les opportunités de
cette filière en plein développement et l’intérêt de disposer de
véritables techniciens de la matière.
En savoir
plus
- Venez échanger avec Maître Vincent Luchez lors de sa conférence « Uberisation de la SÉCURITÉ PRIVÉE: bilan et perspectives » le mardi 20 juin à Préventica Paris