Pensez-vous que la France soit aujourd'hui suffisamment
armée face aux cybermenaces ?
Elle est en voie de l'être. Il est vrai qu'il y a une dizaine
d'années, nous accusions un certain retard sur ces questions par
rapport à de grands voisins européens plus avancés, comme
l'Allemagne et le Royaume-Uni.
Mais depuis, il y a eu une vraie prise de conscience de la portée
des sujets de cybersécurité.
L'attaque informatique de l'Estonie en 2007, le virus Stuxnet en
2010 ou plus récemment l'affaire Snowden ont mis en exergue la
vulnérabilité de nos organisations. La protection des systèmes
d'informations relève d'enjeux stratégiques de souveraineté
nationale et de protection de notre économie et de nos
richesses.
Au niveau des pouvoirs publics, la montée en puissance de l'ANSSI
ou le renforcement du pôle cyberdéfense au sein de l'Etat major
des armées ont été des étapes importantes dans le renforcement de
notre capacité de cyberdéfense. Dans la foulée, la nouvelle loi
de programmation militaire augure un achèvement de notre mise à
niveau à l'horizon 2015.
Dans le domaine industriel, l'avancée est-elle aussi
rapide ?
Nous avons en France de grandes entreprises issues du monde
spatial ou militaire qui sont déjà très impliquées dans le
cyberespace. Ces entreprises ont développé des systèmes avancés
pour la préservation de leurs données essentielles mais aussi et
surtout une culture du bon sens, de ce que l'on appelle
"l'hygiène informatique". Aujourd'hui il s'agit d'étendre ces
bonnes pratiques à tous les niveaux de l'économie. En sécurité
informatique, le comportement humain est la première variable de
travail.
Et pour ce qui concerne le simple citoyen, le message de
prudence est-il bien passé ?
Je pense que oui. Chacun est conscient aujourd'hui que la
navigation dans le cyberespace nécessite quelques précautions,
qu'il faut faire attention notamment avec sa carte bancaire.
Toutefois les cyberfraudeurs sont très réactifs, et imaginent en
permanence de nouvelles stratégies d'attaques. Il faut donc que
tout un chacun acquiert quelques réflexes simples qui pourraient
régler 80% des problèmes. Nous devons lancer de nouvelles
campagnes d'information destinées à sensibiliser nos concitoyens.
Je m'interroge également sur les jeunes générations très
technophiles, tellement familières avec l'internet qu'elles
peuvent en oublier les dangers.
Ndlr Jean-Marie Bockel a apporté son regard d'expert de la cybersécurité le 8 avril à Casablanca pour le premier rendez-vous international du Forum TAC (Technology Against Crime) consacré aux nouveaux enjeux mondiaux de la sécurité, dans le cadre de Préventica Maroc.
En savoir plus
- "La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale" - Rapport d'information de M. Jean-Marie BOCKEL, juillet 2012