Vous pensez que la sécurité des français à l'étranger est
de plus en plus incertaine, pourquoi ?
Deux facteurs entrent en ligne de compte. Tout d'abord le nombre
de nos concitoyens présents à l'étranger est en constante
augmentation, environ 3 millions de français travaillent à
l'étranger, sans compter les 13 millions de français qui voyagent
chaque année pour le tourisme. Parallèlement à cela, l'insécurité
mondiale augmente avec des pays connaissant une instabilité
politique, le développement de foyers terroristes dans certains
territoires tels que le Sahel et le Yémen, les zones de
narcotrafic ou le risque de catastrophes d'origine naturelle ou
industrielle. Les entreprises françaises, tout comme
l'administration, ont donc mis en œuvre des plans de sécurité de
plus en plus pointus et des mesures de protection drastiques.
Comment les entreprises françaises ont-elles renforcé la
sécurité de leurs collaborateurs expatriés ?
La jurisprudence Karachi en 2004 a marqué un tournant décisif. En
effet, cette décision de justice a confirmé la responsabilité de
l'employeur en cas de manquement à son obligation de sécurité de
résultat lors de situations d'envoi de travailleurs à l'étranger.
L'entreprise doit non seulement assurer la sécurité de ses
expatriés mais également apporter la preuve de l'efficacité des
dispositifs mis en œuvre. Sa responsabilité pénale peut être
engagée. Les entreprises ont donc prévu des plans de sécurité
particulièrement pointus, en cas de problème sur un pays.
Généralement, elles privilégient l'évacuation immédiate afin de
ne faire courir aucun risque à leurs salariés.
Vous préconisez de renforcer la coopération entre
entreprises et consulats pour la gestion de la sécurité des
Français à l'étranger. De quelle manière, cela pourrait-il être
organisé ?
Lorsqu'une entreprise décide d'évacuer ses salariés sur un pays,
cela donne un signal très alarmant pour les autres ressortissants
présents sur place. L'ambassade ne va pas forcément être en
mesure de prendre la même décision, compte tenu du nombre de
personnes à évacuer. Cela a été le cas lors des événements de
Côte d'Ivoire en 2011. Les consulats français à l'étranger ont
des plans de sécurité, les entreprises présentes sur place
également. Les entreprises ont développé un savoir-faire très
pointu pour la sécurité de groupes restreints, dont pourrait
bénéficier les administrations. Il pourrait très certainement y
avoir mutualisation des moyens en cas de risque. On pourrait
imaginer par exemple qu'une entreprise puisse prendre en charge,
en même temps que ses salariés, l'évacuation de compatriotes
proches de son site. Evidemment cela pose des problèmes
juridiques de responsabilité ou d'assurance, il faut donc que
nous soyons plusieurs autour de la table pour en discuter. Depuis
quelques années, le Ministère des Affaires Etrangères est de plus
en plus ouvert à cette coopération. Le Centre de Crise du
Ministère des Affaires Etrangères organise ainsi depuis plusieurs
années la "Journée de la sécurité des entreprises françaises à
l'étranger". Je suis convaincu que nous avons tout à gagner en
travaillant dans le même sens sur les zones à risques.
Consultez le site Préventica Maroc