Vous avez récemment animé un webinaire sur la
"Transformation numérique dans les organismes de formation".
Quels ont été vos constats sur cette transition et ses impacts
?
La crise sanitaire a vraiment eu un effet d’accélérateur pour les
organismes de formation. C’est un secteur d’activité où le cœur
de métier et les services eux-mêmes font l’objet d’une
numérisation ou d’une transformation, et les organismes avaient
des niveaux de maturité très hétérogènes sur cette question. Lors
du début de la crise, les formations en présentiel se sont
arrêtées de façon brutale et il a fallu s’adapter dans l’urgence
pour répondre aux attentes et assurer la continuité pédagogique.
Presque toutes les entreprises ont vécu une situation similaire,
mais la particularité des organismes de formation, c’est qu’il
n’y a pas de retour « comme auparavant ». Désormais, il est
nécessaire de passer d’une période avec des solutions adoptées
dans l’urgence à une transformation plus ancrée dans la stratégie
de l’organisme, et un vrai questionnement sur la place que l’on
souhaite donner au numérique dans son offre de formation.
Les évolutions récentes du CPF et ses accès numériques ont permis
un plus grand éparpillement géographique, avec une ouverture de
la relation entre les stagiaires et les organismes. La
certification Qualiopi obligatoire a également amené la
nécessité d’avoir un cadre précis, des traces complètes, et une
préparation de modules numériques très soignés. Donc cela a
poussé à une réelle structuration. Mais ces éléments sont venus
alimenter un contexte plus général de besoin de passer à plus de
numérique dans la formation professionnelle.
Quels sont les impacts sur les conditions de travail de
cette transformation numérique dans les organismes de formation
?
En termes d’impacts, il y a deux grands volets. Tout d’abord, la
transition numérique est venue transformer l’organisation du
travail dans les organismes de formation comme dans toute autre
entreprise. Récemment, nous avons pu voir avec le télétravail et
la mise en place du travail à distance tous les enjeux autour des
conditions de travail que cela pose. Ces dernières sont
dépendantes du domicile du travailleur, de l’espace qu’il
possède, des équipements mis à disposition par l’employeur… Le
télétravail a aussi créé un éloignement au sein des collectifs de
travail, et donc un éloignement de la relation avec ses collègues
ou le manager.
Le deuxième volet, ce sont les impacts sur le contenu du travail.
Avant même la crise sanitaire, l’arrivée du numérique a eu un
effet important sur les fonctions supports et administratives des
entreprises, avec une demande de plus en plus forte de la part
des commanditaires de traces et d’outils numériques pour rendre
compte de l’activité des organismes. Cela ajoute une charge de
travail. Plus globalement, le numérique a créé une surabondance
informationnelle, avec de très nombreux canaux de sollicitation :
mails, chats, bases de données partagées, etc. Cela ajoute une
complexité au travail et une charge mentale importante si ce
n’est pas bien accompagné. On voit également se creuser un fossé
numérique et des écarts dans les organisations entre « ceux qui
savent faire » et « ceux qui ne savent pas » ; d’où l’importance
d’un accompagnement précis.
Pour les organismes de formation, la transition numérique vient
aussi bousculer l’identité professionnelle des formateurs, mais
aussi du personnel administratif au contact des stagiaires. Non
seulement par les formations à distances, mais aussi avec la
présence de plus en plus soutenue du numérique dans les
formations en présentiel.
Comment mieux intégrer cette transition au sein des
organisations ?
J’ai beaucoup parlé des effets délétères, mais il y a aussi des
effets d’opportunité. Le télétravail permet d’effectuer moins de
déplacements, de parfois mieux articuler vie professionnelle et
vie privée, d’être plus souple dans l’organisation... Cela crée
aussi de nouveaux enjeux managériaux, avec plus d’autonomie pour
les travailleurs. C’est l’occasion de repenser le management et
de rediscuter la question des objectifs de travail. Le numérique
apporte aussi parfois la simplification de certains process,
surtout dans les organisations qui étaient très attachées au
papier.
Les pistes d’action qui sont très importantes pour nous, au sein
du réseau Anact-Aract, consistent à faire du numérique un levier
de qualité de vie au travail. Pour cela, il faut créer une
démarche participative et impliquer les futurs utilisateurs dans
la conception et les choix des outils numériques. L’idée
principale, c’est vraiment de faire de cette transition une
transformation globale de l’entreprise ou de l’organisme de
formation en collaboration.
Pour répondre à ces enjeux, l’Aract Île-de-France organise un «
transformateur numérique ». Il s’agit d’un dispositif innovant
pour accompagner les porteurs de projets de transformation
numérique au sein des organismes de formation, pour les aider à
enrichir leurs démarches et à imaginer les impacts de celles-ci
sur la qualité de vie au travail des salariées.