Jusqu’à lors, des instructions et recommandations publiques de bonnes pratiques étaient diffusées chaque année en prévision de la période estivale.

 

Face aux effets du dérèglement climatique, l’exposition au risque « chaleur » devient un enjeu majeur notamment dans le cadre des interventions en extérieur, et une évolution « en dur » du cadre réglementaire était annoncée au travers de divers travaux (CESE, etc.) et plans ministériels (cf. 4e Plan santé travail, Plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels, 3e Plan national d’adaptation au changement climatique). 

 

C’est chose faite avec la publication au JO du 1er juin 2025 de 2 textes pris après avis du COCT : 

 

  • Le décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur, qui vient codifier de nouvelles obligations particulières de prévention dans le Code du travail (R4463-1s. CT), et compléter la rédaction de certains articles existants dans le Code du travail ainsi que le Code rural et de la pêche maritime (les travaux forestiers et sylvicoles étant très concernés par le sujet) ;
     
  • Son arrêté d’application du 27 mai 2025, relatif à la détermination des seuils de vigilance pour canicule, en référence au dispositif spécifique de Météo-France (à noter que dans les arbitrages, l’idée de fixer un seuil de température maximum  au-delà duquel le travail ne serait plus autorisé a été écartée au profit d’indicateurs de vigilance mieux adaptés aux situations locales et à l’évaluation des risques de chaque entreprise).
     

Les entreprises ont jusqu’au 1er juillet 2025, date d’entrée en vigueur des textes, pour se préparer et se mettre en conformité.
 

Comme toujours, la démarche d’évaluation des risques est au cœur de l’approche, avec en arrière-plan, les enjeux de responsabilité en cas de manquement à l’obligation de sécurité et de protection de la santé, que ce soit :
 

  • Sur le plan civil en matière de faute inexcusable de l’employeur (cf. critère de conscience du danger pouvant être ici apprécié in abstracto ; ou faute inexcusable présumée en cas de malaise accidentel suite à une alerte ou droit de retrait) ;

 

  • Et/ou sur le plan pénal, puisque ces nouvelles obligations sont autant de nouvelles exigences de conformité que d’obligations particulières de prudence ou de sécurité imposées par la loi et le règlement dont la violation pourra caractériser une infraction non intentionnelle (délit de mise en danger, voire de blessures/ homicide involontaire en cas d’accident).    
     

*A noter qu’en cas de contrôle, les agents d’inspection du travail pourront (devront) mettre en demeure l’employeur ou le maître d’ouvrage en cas d’absence ou d’insuffisance de définition des mesures ou actions de prévention du risque professionnel lié à l'exposition aux épisodes de chaleur intense. Le délai minimum de mise en conformité est fixé à 8 jours, avant établissement d’un procès-verbal d’infraction (NB : non applicable en cas de constat d’un danger grave ou imminent pour l'intégrité physique des travailleurs – cf. L4721-5 CT). 

 

 

En synthèse, et sans rentrer dans tout le détail du dispositif, retenons les points suivants en matière de réduction des risques liés à l'exposition aux épisodes de chaleur intense (à mettre en lien avec les principes généraux de prévention de l’article L4121-2 CT) : 

  1. Volet organisation

a) Evaluation des risques liés à l'exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense en intérieur comme en extérieur. 

 

Lorsque l'évaluation identifie un risque d'atteinte à la santé ou à la sécurité des travailleurs, l'employeur doit définir et planifier les mesures ou les actions de prévention nécessaires (à formaliser dans le cadre d’une mise à jour du PAPRIPACT ou du plan d’actions selon l’effectif de l’entreprise.

 

b) Prise en compte des risques liés à l'exposition aux épisodes de chaleur intense et leurs incidences sur les risques d’interférences dans le cadre des plans de prévention, ainsi qu’en matière de bâtiment génie civil (PGC + PPSPS) : phases d'activité dangereuses, moyens de prévention spécifiques, adaptation des matériels, installations et dispositifs, instructions à donner, premiers secours en cas d'urgence, etc.

  

c) Adaptation de l'organisation du travail, et notamment des horaires de travail, afin de limiter la durée et l'intensité de l'exposition et de prévoir des périodes de repos (ce qui peut nécessiter par exemple une procédure d’information-consultation du CSE le cas échéant, voire une révision des accords d’entreprise afin d’intégrer des dispositifs d’adaptation mobilisables ponctuellement, en cohérence avec l’évaluation des risques)

 

d) Organisation d’une vigie au plan collectif :

 

  • Anticipation et dispositif de suivi permanent des bulletins de prévisions METEO France de vigilance pour canicule.  

 

Les vagues de chaleur sont cotées en 4 niveaux (graduation selon le code couleur vert, jaune, orange et rouge). L’épisode dit de chaleur intense déclenchant les obligations des articles R4463-1 s. du Code du travail correspond aux niveaux de vigilance jaune à rouge :

  • Jaune (= pic de chaleur : exposition de courte durée d’1 à 2 jours, à une chaleur intense présentant un risque pour la santé humaine, pour les populations fragiles ou surexposées, notamment du fait de leurs conditions de travail ou de leur activité physique. Il peut aussi correspondre à un épisode persistant de chaleur : températures élevées durablement (indices bio-météorologiques (IBM) proches ou en dessous des seuils départementaux) ;

     
  • Orange (= période de canicule : période de chaleur intense et durable pour laquelle les indices bio-météorologiques atteignent ou dépassent les seuils départementaux, et qui est susceptible de constituer un risque sanitaire pour l'ensemble de la population exposée, en prenant également en compte d'éventuels facteurs aggravants tels qu’humidité, pollution, précocité de la chaleur, etc.) ;

     
  • Rouge (= période de canicule extrême : canicule exceptionnelle par sa durée, son intensité, son extension géographique qui présente un fort impact sanitaire pour l'ensemble de la population ou qui pourrait entraîner l'apparition d'effets collatéraux, notamment en termes de continuité d'activité).

 

*NB : les seuils orange et rouge constituent des conditions atmosphériques au sens de l'article L5424-8 CT ouvrant droit au bénéfice du chômage intempéries du BTP.

 

 

  • Mise en place d’un dispositif d’alerte interne :

 

  • Mise en place d’une procédure de signalement de toute apparition d'indice physiologique préoccupant, de situation de malaise ou de détresse (+ communication au SPST) 

 

  • Mise en place d’une procédure de premiers secours, dans les meilleurs délais, à tout travailleur et, plus particulièrement, aux travailleurs isolés ou éloignés (+ communication au SPST).

 

*NB : en cas de malaise mortel, l’inspecteur du travail doit être obligatoirement informé dans les 12h au plus tard (cf. précédente chronique : https://www.preventica.com/magazine/chroniques-juridiques/accidents-mortels-du-travail-evolutions-et-points-de-repere-en-2025-18042025 )

 

  1. Volet technique 

a) Sur le plan collectif :

 

  • Mise en œuvre de procédés de travail ne nécessitant pas d'exposition à la chaleur ou nécessitant une exposition moindre.

 

  • Les postes de travail extérieurs doivent être aménagés de telle sorte que les travailleurs soient protégés contre les effets des conditions atmosphériques (la mention « dans la mesure du possible » est supprimée de l’article R4225-1 CT, ce qui en fait une obligation générale). 

 

  • Modification de l'aménagement et de l'agencement des lieux et postes de travail.

 

*A noter (cf. R4223-13 CT mod.) : De manière plus générale, les locaux fermés affectés au travail doivent en toute saison être maintenus à une température adaptée compte tenu de l'activité des travailleurs et de l'environnement dans lequel ils évoluent. L'utilisation d'un dispositif de régulation de température ne doit pas être source d’émanation dangereuse. 

 

 

 

  • Mise en place de moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces exposées (par exemple par l'amortissement ou par l'isolation, ou pour prévenir l'accumulation de chaleur dans les locaux ou au poste de travail) ;

 

  • Augmentation autant que nécessaire, de l'eau potable fraîche mise à disposition des travailleurs (à adapter selon l’intensification de la chaleur). En cas d'épisode de chaleur intense, une quantité d'eau potable fraîche suffisante est fournie par l'employeur. Dans ce cadre, obligation est faite de prévoir un moyen pour maintenir au frais, tout au long de la journée de travail, l'eau destinée à la boisson, à proximité des postes de travail, notamment pour les postes de travail extérieurs.

 

*Pour les travaux du BTP : obligation de mise à disposition d'eau potable et fraîche pour permettre aux travailleurs de se désaltérer et de se rafraîchir (en cas d’impossibilité de mise en place d’eau courante, la quantité minimale d'eau mise à disposition est d'au moins 3 litres par jour et par travailleur).

 

  • Choix d'équipements de travail appropriés permettant, de maintenir une température corporelle stable  compte tenu du travail à accomplir.

 

 

b) Sur le plan individuel (EPI) : 

 

Mise à disposition d'équipements de protection individuelle permettant de limiter ou de compenser les effets des fortes températures ou de se protéger des effets des rayonnements solaires directs ou diffusés.

 

Au préalable, l’employeur doit désormais intégrer à l’analyse des conditions d’utilisation des EPI, après avis du CSE, la question des conditions atmosphériques (en plus de la prise en compte de la gravité du risque, de la fréquence de l'exposition, des caractéristiques du poste de travail de chaque travailleur, et des performances des EPI en cause – cf. art. R4323-97 CT mod.).

 

  1. Volet de mesures sur le plan humain

a) Information + formation adéquates des travailleurs : 

 

  • Sur la conduite à tenir en cas de forte chaleur ;

     

  • Sur l'utilisation correcte des équipements de travail et des équipements de protection individuelle de manière à réduire leur exposition à la chaleur à un niveau aussi bas qu'il est techniquement possible.

 

  • Sur les procédures d’alerte et de secours mises en place.

 

b) Suivi individuel de santé au travail (vigilance renforcée pour les travailleurs à risques) : obligation d’adapter en liaison avec le SPST les mesures de prévention, en cas d’information sur le fait qu'un travailleur est particulièrement vulnérable aux risques liés à l'exposition aux épisodes de chaleur intense en  raison notamment de son âge ou de son état de santé.

 

 

Ce socle de nouvelles exigences peut en outre s’accompagner de mesures complémentaires au cas par cas, si celles-ci s’avèrent nécessaires pour réduire et maîtriser à un niveau acceptable et compatible avec le travail les risques d'exposition aux épisodes de chaleur intense, à défaut de pouvoir les supprimer. 

 

A un moindre niveau, le dialogue social sur la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) constitue en parallèle un levier pour favoriser la bonne continuité d’activité et la soutenabilité du travail en période de fortes chaleurs, et agir positivement sur les facteurs de risques psychosociaux en lien avec l’environnement de travail.