Emmanuelle Turpin- - INRS : Usure professionnelle et BTP : une étude de l'INRS pour ouvrir la voie

Usure professionnelle et BTP : une étude de l'INRS pour ouvrir la voie

ORGANISATION DE LA PREVENTION ||
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29/11/2021
Emmanuelle Turpin- - INRS
Emmanuelle Turpin-
physiologiste, chargée de recherche au laboratoire Physiologie-Mouvement-Travail (PMT)
INRS

Avec une publication prévue pour la fin de l’année, une étude menée par Emmanuelle Turpin-Legendre en collaboration avec le service interentreprises de santé au travail BTP Grand Est permet de faire la lumière sur certaines associations entre contraintes physiques et psychosociales et de faibles capacités physiques chez les professionnels de la construction. Encore préliminaire, l’enquête espère valider ses hypothèses dans les années à venir.

Qu'est-ce qui vous a poussé à mener cette étude ? Quel était le constat initial ?
Dans notre laboratoire, nous nous sommes toujours intéressés à la question des contraintes physiques et psychosociales, et à l’évolution des capacités fonctionnelles avec l’avancée de l’âge. Actuellement, nous constatons des personnes vieillissantes de plus en plus nombreuses dans le monde du travail, donc il faut que leurs capacités de travail soient maintenues. Il n’y a par ailleurs pas que l’effet de l’âge ; il y a également les exigences physiques et psychosociales que l’on rencontre au travail qui ont un impact sur les capacités de travail.

Face à ce constat, nous nous sommes intéressés au secteur du BTP, car il possède un fort risque pour l’appareil locomoteur. Afin de faire de la prévention et d’éviter une usure professionnelle, nous avons souhaité interroger le parcours professionnel des salariés, afin d’identifier des liens entre les contraintes physiques ou psychosociales rencontrées et certaines capacités fonctionnelles. Ce que l’on souhaiterait, c’est donner des outils aux médecins du travail et aux autres professionnels de la prévention pour alerter, mener des tests, et peut-être accompagner ou réorienter les salariés avant l’apparition de pathologies.

Quelle méthodologie avez-vous employée ?
La première chose dont nous avions besoin était des salariés du BTP volontaires, à solliciter en dehors de le leur temps de travail. Sur ce point, nous avons notamment collaboré avec le Service Interentreprises de Santé au Travail du Bâtiment, des Travaux Publics et activités connexes de la Lorraine.
Nous avons sollicité 1600 salariés, pour réussir finalement à en rencontrer 153. Un technicien et moi-même nous sommes déplacés dans toute la région pour aller au plus près des salariés, afin de leur faire passer des questionnaires dans un premier temps. Celui-ci portait sur leurs parcours professionnels, les contraintes rencontrées, etc. Puis sur leur santé perçue. Ensuite, nous avons réalisé 13 tests fonctionnels, issus de la littérature, facilement transportables, compréhensibles et pertinents dans la mise en évidence de capacités fonctionnelles précises. Cela va de tests d’équilibre à des tests d’endurance, de force, de coordination, ou encore de dextérité manuelle.


Quels sont les résultats ?
L’étude a conforté nos hypothèses dans certains cas. Nous avons eu des associations pertinentes et cohérentes vis-à-vis de la littérature existante. Par exemple, une contrainte physique comme la posture accroupie est associée à un test d’endurance des cuisses. Et en effet, nous avons constaté une endurance moindre dans ces cas-là. De même pour certaines contraintes psychosociales et leurs liens avec des contractures au niveau des épaules, les capacités cardiorespiratoires…

Évidemment, tout ceci est pour le moment à mettre au conditionnel, car 153 salariés est un nombre important, mais insuffisant pour conforter ces associations. Pour obtenir une validation, il faudrait faire de l’épidémiologie. Mais c’est une porte ouverte à des études plus poussées.


Quelle suite souhaitez-vous donner à cette étude ?
À la suite de cette première étude, nous nous sommes dit qu’il serait intéressant de faire une étude longitudinale ; c’est-à-dire reprendre les mêmes salariés volontaires et voir ce qui se passe au bout de X années. Pour le moment, la prochaine étape serait dans 5 ans. Nous espérons commencer ce travail dès 2022.