Quels ont été les changements majeurs pour le télétravail
ces dernières années ?
La première édition du guide Réussir la mise en œuvre du
télétravail dans les organisations publiques est sortie en 2011.
Nous publions cette année la 4e édition, qui prend en compte les
dernières évolutions. En 2020, le premier confinement a bien sûr
changé le regard que portaient les organisations publiques comme
privées sur le télétravail, mais cela s’est aussi accompagné de
nombreux changements juridiques. Le décret du 5 mai pour le
secteur public et l’accord national interprofessionnel du 26
novembre pour le secteur privé ont notamment fait évoluer les
formules et les possibilités de télétravail dans d’autres
configurations que celles prévues initialement.
Néanmoins, nous constatons que dans de nombreuses structures, et
ce depuis le premier confinement, ce n’est pas vraiment du
télétravail qui a été mis en place, mais du travail à distance,
souvent à temps plein. Or, au-delà de trois jours par semaine,
les problèmes commencent. Les problèmes d’isolement sont beaucoup
plus fréquents, tout comme les pertes de repères avec l’équipe.
Ce sont des choses qu’on ne retrouve pas sur des périodes plus
réduites, où le télétravail est vraiment vécu comme un outil de
qualité de vie qui permet de travailler dans un environnement
amélioré, avec moins de stress, de fatigue et de
déplacements.
Dès qu’un salarié passe la majorité de son temps en télétravail,
nous constatons un certain nombre de dégradations plus ou moins
importantes.
Pourquoi distinguer télétravail et travail à distance
?
Le télétravail est un dispositif réfléchi pour améliorer les
conditions de travail. C’est un outil transversal qui permet de
construire une relation gagnant-gagnant entre l’employeur et le
salarié. De plus, il permet la modernisation des outils et des
méthodes de l’environnement de travail. Il encourage tout d’abord
la dématérialisation et une transition numérique efficace, mais
permet également d’interroger ses méthodes d’évaluation, et donc
de management. Lorsqu’on réalise des audits dans les
organisations, on se rend compte que le télétravail accélère
vraiment un grand ensemble de modifications profondes dans
l’organisation.
Le travail à distance, quant à lui, n’est pas anticipé. Cette
notion d’anticipation est primordiale pour mettre en place un
dispositif vraiment valorisant ; il faut être au point sur ses
outils et réfléchir à ses méthodes de travail et d’encadrement.
Cela ne peut pas se faire dans l’urgence. Le confinement a bien
montré cela. Nous avons pu constater des situations assez
ubuesques, comme des salariés qui repartent avec des PC fixes
sous le bras, à défaut d’avoir des PC portables à
disposition.
Si une organisation souhaite aujourd'hui se diriger vers
le télétravail, quelles sont les premières étapes à suivre
?
La question des outils me paraît essentielle. Aujourd’hui, le
mail et le téléphone ne suffisent plus. On constate d’ailleurs un
« syndrome WhatsApp » avec la crise sanitaire ; beaucoup
d’entreprises montent des groupes de manière un peu sauvage sur
l’application, avec toutes les difficultés et les dangers que
cela peut représenter. Mais ce n’est un pas outil sécurisé pour
un environnement professionnel.
La première chose à faire, c’est donc de réaliser un bilan de ce
dont vous disposez, et des choses à déployer, aussi bien en
hardware qu’en software. La mise en place des outils doit
s’accompagner de formations, d’une sensibilisation aux nouveaux
usages, d’explications sur les méthodes de travail… mais il faut
rester souple. Le télétravail fonctionne bien en laissant de
l’autonomie pour les encadrants, comme pour les salariés. La
base, c’est avant tout une relation de confiance.
Quelles sont les perspectives pour le télétravail
?
Je pense que le cadre juridique est désormais assez complet pour
envisager le télétravail sereinement. Mais désormais, il faut
changer de culture. Le télétravail, ce n’est pas un gadget
social. En le considérant seulement comme un outil temporaire
pour la qualité de vie au travail, on passe à côté de nombreuses
choses. C’est pourquoi, dans les mois à venir, il ne faut pas
juste revenir en arrière, mais vraiment intégrer dans les
organisations l’enjeu que représente une logique du travail à
distance anticipé et organisé.
