Pascal Rassat - : Le télétravail n’est pas un gadget social

Le télétravail n’est pas un gadget social

ORGANISATION DE LA PREVENTION || Organisation du travail
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05/01/2021
Pascal Rassat  -
Pascal Rassat
Auteur de l'ouvrage Réussir la mise en oeuvre du télétravail dans les organisations publiques

Présenté à tort comme la panacée pour maintenir l’activité économique malgré la crise sanitaire, le télétravail n’est ni une solution d’urgence, ni un outil superflu selon Pascal Rassat. Expert en accompagnement au télétravail, il nous invite à changer notre culture autour de ce dispositif.

Quels ont été les changements majeurs pour le télétravail ces dernières années ?
La première édition du guide Réussir la mise en œuvre du télétravail dans les organisations publiques est sortie en 2011. Nous publions cette année la 4e édition, qui prend en compte les dernières évolutions. En 2020, le premier confinement a bien sûr changé le regard que portaient les organisations publiques comme privées sur le télétravail, mais cela s’est aussi accompagné de nombreux changements juridiques. Le décret du 5 mai pour le secteur public et l’accord national interprofessionnel du 26 novembre pour le secteur privé ont notamment fait évoluer les formules et les possibilités de télétravail dans d’autres configurations que celles prévues initialement.
Néanmoins, nous constatons que dans de nombreuses structures, et ce depuis le premier confinement, ce n’est pas vraiment du télétravail qui a été mis en place, mais du travail à distance, souvent à temps plein. Or, au-delà de trois jours par semaine, les problèmes commencent. Les problèmes d’isolement sont beaucoup plus fréquents, tout comme les pertes de repères avec l’équipe. Ce sont des choses qu’on ne retrouve pas sur des périodes plus réduites, où le télétravail est vraiment vécu comme un outil de qualité de vie qui permet de travailler dans un environnement amélioré, avec moins de stress, de fatigue et de déplacements.
Dès qu’un salarié passe la majorité de son temps en télétravail, nous constatons un certain nombre de dégradations plus ou moins importantes.

Pourquoi distinguer télétravail et travail à distance ?
Le télétravail est un dispositif réfléchi pour améliorer les conditions de travail. C’est un outil transversal qui permet de construire une relation gagnant-gagnant entre l’employeur et le salarié. De plus, il permet la modernisation des outils et des méthodes de l’environnement de travail. Il encourage tout d’abord la dématérialisation et une transition numérique efficace, mais permet également d’interroger ses méthodes d’évaluation, et donc de management. Lorsqu’on réalise des audits dans les organisations, on se rend compte que le télétravail accélère vraiment un grand ensemble de modifications profondes dans l’organisation.
Le travail à distance, quant à lui, n’est pas anticipé. Cette notion d’anticipation est primordiale pour mettre en place un dispositif vraiment valorisant ; il faut être au point sur ses outils et réfléchir à ses méthodes de travail et d’encadrement. Cela ne peut pas se faire dans l’urgence. Le confinement a bien montré cela. Nous avons pu constater des situations assez ubuesques, comme des salariés qui repartent avec des PC fixes sous le bras, à défaut d’avoir des PC portables à disposition.

Si une organisation souhaite aujourd'hui se diriger vers le télétravail, quelles sont les premières étapes à suivre ?
La question des outils me paraît essentielle. Aujourd’hui, le mail et le téléphone ne suffisent plus. On constate d’ailleurs un « syndrome WhatsApp » avec la crise sanitaire ; beaucoup d’entreprises montent des groupes de manière un peu sauvage sur l’application, avec toutes les difficultés et les dangers que cela peut représenter. Mais ce n’est un pas outil sécurisé pour un environnement professionnel.
La première chose à faire, c’est donc de réaliser un bilan de ce dont vous disposez, et des choses à déployer, aussi bien en hardware qu’en software. La mise en place des outils doit s’accompagner de formations, d’une sensibilisation aux nouveaux usages, d’explications sur les méthodes de travail… mais il faut rester souple. Le télétravail fonctionne bien en laissant de l’autonomie pour les encadrants, comme pour les salariés. La base, c’est avant tout une relation de confiance.

Quelles sont les perspectives pour le télétravail ?
Je pense que le cadre juridique est désormais assez complet pour envisager le télétravail sereinement. Mais désormais, il faut changer de culture. Le télétravail, ce n’est pas un gadget social. En le considérant seulement comme un outil temporaire pour la qualité de vie au travail, on passe à côté de nombreuses choses. C’est pourquoi, dans les mois à venir, il ne faut pas juste revenir en arrière, mais vraiment intégrer dans les organisations l’enjeu que représente une logique du travail à distance anticipé et organisé.