Guy MARLAIR - INERIS : Les processus normatifs internationaux en sécurité incendie sont efficaces mais parfois trop lourds

Les processus normatifs internationaux en sécurité incendie sont efficaces mais parfois trop lourds

|| Sécurité Incendie
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17/04/2013
Guy MARLAIR - INERIS
Guy MARLAIR
Référent technique Direction des risques accidentels, Coordinateur d’activités de recherches risques émergents
INERIS
Guy Marlair est un spécialiste reconnu du phénomène incendie et préside à ce titre la commission chapeau AFNOR X65A dédiée à la coordination sécurité au feu. Il décrypte pour nous le processus complexe d’élaboration des normes.

Parlez-nous de l’approche normative en Europe et au niveau international. Comment s’articule-t-elle par rapport aux travaux menés en France ?
Je vais vous parler plus spécifiquement de la sécurité incendie puisque c’est la spécialité de la commission AFNOR que je préside.
Notre commission X65A « coordination sécurité au feu » est une commission de coordination transversale des activités de normalisation dans le domaine du feu. Elle réunit des spécialistes issus de divers organismes tels que le LNE, l’INERIS, l’IFTH, l’IRSN, le CNPP mais aussi des représentants des grandes entreprises de transports ou de fabricants des matériaux concernés par nos travaux.
La commission X65A est une commission chapeau, c’est à dire qu’elle n’a pas pour mission principale d’élaborer en son sein des normes mais interagit avec  les sous-commissions associées, en l’occurrence les commissions X65M sur la sécurité incendie dans le transport maritime, X65T sur la toxicité des fumées d’incendie, X65G sur les gaz de combustion.
Les travaux menés par ces sous-commissions ont pour objectif de réaliser à l’échelle nationale ou participer au niveau international à l’élaboration de référentiels fiables et reconnus dans le domaine de la sécurité incendie. Egalement et surtout dirais-je, nous représentons la voix officielle de la France dans les instances normatives internationales, dans les divers sous-comités du comité technique ISO TC92 chargé de la normalisation incendie.
La commission X65A est le pendant français de la commission ISO TC92 SC3 qui centre ses travaux sur les menaces du feu sur les personnes et l’environnement.

Quels sont les sujets en incendie proposés par la France au comité ISO ?
Les travaux peuvent être lancés sur soumission d’une commission nationale ou directement par les comités ISO concernés. L’identification de nouveaux sujets d’intérêt pour une démarche de normalisation peuvent émerger, par exemple en France, des journées techniques en relation avec la sécurité incendie réunissant tous les membres des commissions afin de faire le point sur les thèmes émergents. Nous avons ainsi identifié dans un passé récent trois sujets prioritaires qui ont été soumis et retenus par le comité ISO TC92 SC3. Le premier sujet concerne la mesure des aérosols émis dans les incendies, c’est à dire toutes les particules fines solides ou liquides qui peuvent pénétrer dans les poumons et donc affecter la santé des personnes en environnement incendie. Le deuxième se rapporte à la détermination des précisions et incertitudes dans la mesure des composés toxiques émis lors d’un incendie. Un troisième a traité de la question des bassins de rétention pour prévenir les pollutions accidentelles liées aux eaux d’extinction produites lors de sinistres majeurs

Très concrètement, quel chemin vont prendre ces propositions avant de devenir une norme publiée ?
Le parcours est long et très codifié… entre une idée de sujet et sa concrétisation en norme internationale, il va s’écouler en moyenne 5 ans, même si une tendance à la réduction de ces délais est constatée!
La première étape est la réalisation du Preliminary New Working Item. Ce document est soumis au vote puis devient un sujet de travail pour les commissions nationales concernées. Si le Preliminary New Working item ne donne lieu à aucune publication de norme une fois le délai de 5 ans écoulé, le sujet sera définitivement abandonné, ou devra être relancé à un stade plus mature.
Après le Preliminary New Working Item, c’est au Working Document d’entrer en scène. Littéralement Document de Travail, qui de version en version atteindra une première maturité technique et consensuelle. C’est cette première ébauche de la norme définitive qui deviendra ensuite CD (Committee Draft) qui sera soumis à l’avis de l’instance supérieure.
Enfin, le Comitee Draft est la version projet de norme qui est soumise à enquête publique. Puis des procédures de votes sur projet de norme (stade DIS, tenant compte des remarques reçues au niveau de l’enquête) et projet de norme final (FDIS) terminent le processus de publication.
Bien évidemment, entre ces différentes étapes, de nombreux allers-retours et négociations ont lieu entre le comité ou sous-comité ISO concerné et les commissions miroirs nationales des différents pays membres des comités ISO pour peser et valider tous les termes de la norme en temps utile.


C’est une procédure lourde et complexe mais toutes les instances normatives fonctionnent plus ou moins de cette manière sur les sujets importants, sauf cas d’espèce. C’est le prix à payer pour garantir efficacité du travail et approche consensuelle. Lors de l’émergence de risques nouveaux associés à un développement technologique rapide (exemple batteries au lithium de forte puissance), ceci pose parfois problème pendant la période transitoire où le manque de normes de référence se fait sentir.