Mathieu CHAUVET / Dr Régine CODRON, - ACMS : Les effets des vibrations sur la santé sont encore trop ignorés

Les effets des vibrations sur la santé sont encore trop ignorés

|| Sécurité machine
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12/07/2018
Mathieu CHAUVET / Dr Régine CODRON, - ACMS
Mathieu CHAUVET / Dr Régine CODRON,
technicien hygiène-sécurité-environnement / médecin du travail
ACMS

En France, plus de 10 % des travailleurs sont exposés à des vibrations corps entiers. Ces expositions peuvent avoir des effets sur la santé. Une équipe de l'ACMS, service de santé au travail interentreprises d'Île-de-France, a conduit une étude afin de proposer une démarche de prévention spécifique à des entreprises du secteur de la logistique.

Vous avez réalisé une étude sur des conducteurs d’engins de manutention afin de mesurer les effets des vibrations sur leur corps. Pourquoi et comment avez-vous mené cette étude ?
Sur le territoire couvert par l’ACMS, nous suivons beaucoup d’entreprises dans le secteur de la logistique et nous avons pu constater que le risque vibrations était mal connu et sous-évalué par les employeurs et leurs salariés
De 2012 à 2016, nous avons donc mené une campagne de mesurage avec des instruments métrologiques spécifiques afin d’identifier précisément l’exposition des conducteurs d’engins de manutention aux vibrations. Cette campagne a été réalisée dans quinze entrepôts logistiques de Seine-et-Marne, de différents secteurs d'activité, sur soixante douze engins (chariots frontaux et transpalettes à conducteur porté).
Sur l’ensemble des mesures réalisées, nous avons constaté que la moitié d’entre elles dépassaient la valeur d’exposition journalière déclenchant l’action de prévention de 0,5 m/s2.
Nous avons présenté ces résultats aux entreprises et leur avons proposé des recommandations pour mieux prévenir le risque vibratoire.
Ces recommandations se déploient autour de 4 axes : le matériel, l’environnement de travail, l’organisation du travail et l’attitude du conducteur.

Un an après cette première phase d’enquête, vous êtes revenus dans ces entreprises. Quelles améliorations ont été apportées ?
Effectivement, nous sommes revenus dans ces entreprises pour suivre la gestion du risque vibratoire. Nous avons interrogé à la fois les salariés et les employeurs. Les salariés ont progressé sur leur maîtrise du matériel, en sachant désormais mieux régler leur siège et signaler les anomalies de fonctionnement. Néanmoins, ils connaissent encore mal les effets des vibrations sur leur santé.
Du côté des employeurs, ceux-ci ont mis en place un certain nombre d'actions de prévention : remplacement des équipements désuets, maintenance préventive, réduction de vitesse des engins… En revanche, des efforts restent à faire en matière d'organisation du travail et de sensibilisation des salariés au risque vibratoire

Cette enquête a abouti à la création d’un module de formation spécifique au risque vibratoire. En quoi consiste-t-il ?
Pour répondre aux besoins d’information des salariés et à la demande des employeurs, nous avons élaboré un module d’information alliant théorie et pratique. Sur la partie  théorie, nous exposons ce qui concerne le fonctionnement du corps, les mesurages, la réglementation. Pour la pratique, nous allons sur le terrain, au poste de conduite pour montrer comment régler le siège. Nous réalisons également des mesures en live sur le conducteur : une première fois, lorsqu’il réalise son travail de manière habituelle et une deuxième fois en prenant en compte les bonnes pratiques de prévention. Cela permet d’évaluer objectivement leur intérêt.
Salariés et managers comprennent mieux alors qu’appliquer les bons gestes ne prend pas forcément plus de temps mais permet vraiment de prévenir les effets sur la santé.