Pourquoi vous êtes-vous intéressée spécifiquement à
l'impact des TIC sur les conditions de travail des agents du
public ?
Aujourd'hui, en ce qui concerne l'usage des technologies de
l'information et de la communication, le secteur public a
clairement rattrapé son retard par rapport au privé. Par exemple,
en 2006, 85% des agents de la fonction publique avaient déjà un
accès aux outils numériques contre 86% dans le privé.
Ces évolutions technologiques ont par ailleurs souvent été
accompagnées de changements organisationnels profonds. Or
l'impact spécifique des TIC sur les conditions de travail des
agents avait très peu été étudié. Les agents du public ont
rarement été interrogés sur leur ressenti et leur relation à
l'usager avec l'intrusion du numérique dans leur travail. Et
ceci, alors même que les plans TIC ont été généralement
introduits pour améliorer la qualité du travail et des missions
de services aux usagers.
Quels avantages et inconvénients les agents associent-ils
aux outils numériques ?
Les principaux avantages identifiés tiennent souvent à une plus
grande autonomie et polyvalence et à l'enrichissement des tâches
ou des missions, qui suscitent par ailleurs un sentiment de
responsabilisation plus fort. Les outils numériques peuvent
également renforcer les collectifs de travail avec notamment le
développement de projets collaboratifs. Du côté des
inconvénients, les ressentis sont souvent identiques à ceux du
secteur privé : augmentation du rythme et intensification du
travail, pression plus forte et sentiment d'urgence,
affaiblissement des relations de travail entre collègues… Il est
important de noter que les agents du public expriment un
sentiment de contrôle renforcé : l'autonomie liée au numérique
s'accompagne d'une standardisation accrue des modes et processus
de travail, d'une plus grande traçabilité des tâches et de
fixation de normes de productivité.
Globalement la relation entre TIC et conditions de travail est
donc complexe et ambiguë. Il est difficile d'affirmer de façon
tranchée que les usages numériques ont un impact négatif ou
positif sur les conditions de travail. Il importe de prendre en
compte la nature du travail et des missions des agents, le type
de nouvelles technologies et surtout la manière dont les plans
TIC sont implantés dans les services publics.
Comment modifier les pratiques numériques des agents de
la fonction publique sans impacter négativement leurs conditions
de travail ?
L'accompagnement et la concertation sont essentiels pour réussir
la transition numérique. Lorsque les agents sont questionnés en
amont sur leurs missions et leurs pratiques, lorsqu'ils sont
associés à la mise en œuvre de nouveaux projets technologiques ,
lorsqu'il y a accompagnement et formation aux nouveaux usages
numériques, il y a une acceptation et une appropriation beaucoup
plus forte et efficace des nouveaux outils. Cette condition
préalable est essentielle pour concilier modernisation des
services publics et amélioration des conditions de travail et in
fine proposer une meilleure qualité de service à destination des
usagers.
Je recommande également de développer un pilotage plus
transversal associant les directions des ressources humaines, les
directions administratives et financières et les représentants
des agents publics. La concertation entre l’ensemble des acteurs
est une condition indispensable pour la modernisation des
services publics dans toutes leurs dimensions.
En savoir plus
- TIC et conditions de travail dans la fonction publique, synthèse de l’étude par Salima Benhamou présentée à la DGAFP, février 2014
- Quel est l’impact des TIC sur les conditions de travail dans la fonction publique ? - Note d’analyse du CAS n°318, Janvier 2013 par S. Benhamou, F. Chilaud et et T. Klein