En quoi consiste ce travail d’enquête que vous avez menée en 2023 ?

 

Mon vécu d’ancienne infirmière a mené à la fondation de Charlotte K. Le collectif a déjà accompagné et coaché près de 2 000 infirmières. À travers cette enquête, nous avons voulu comprendre ce qui poussait tant de professionnels à changer de métier. La plateforme d’écoute SPS, qui nous a accompagnés, affirmait qu’une personne sur trois était un ou une infirmière. Il nous fallait du poids, des chiffres clés. Nous avons donc sondés 4 000 infirmiers en poste avec des profils variés, permettant d’avoir des données représentatives. Ces dernières sont fortes et poignantes.

 

 

Quels sont les résultats marquants à tirer de cette étude ?

 

Un chiffre m’a particulièrement marqué. À la question « Si c’était à refaire, referiez vous ce métier d’infirmière ? », 60 % ont répondu « non ». Cela veut tout dire sur les personnes qui sont en poste et sur la désillusion des professionnels par rapport à leurs aspirations de départ. À la question « Comment décririez-vous votre état d’esprit au travail ? », 94 % ont dit « être fatigués ». Et quand nous leur demandions s’ils étaient satisfaits de leur métier, 65 % ont affirmé que non. Ces données sont édifiantes.

 

 

Mais alors quels facteurs négatifs finissent par détourner tant de travailleurs de leur vocation ?

 

Premièrement, il faut savoir que seuls 10 % des professionnels supportent le terme de « vocation ». C’est très permissif comme étiquette, alors que le métier d’infirmier est un travail comme les autres. La pression sociale sur les professionnels infirmiers est nette. La société et la famille nous renvoient souvent à cette idée ancrée du sacrifice, du bénévolat. Il faut que l’on pense d’avantage aux autres qu’à nous. Donc on se permet, encore moins que d’autres, de changer de métier ou d’essayer de l’améliorer. Et alors qu’une écrasante majorité (plus de 80 %, ndlr) des professionnels infirmiers sont des femmes, ces biais et stéréotypes sont encore plus présents. Dans le même ordre d’idée, les infirmiers sont ainsi particulièrement exposés au stress et au surmenage, alors qu’ils ont une rémunération faible au regard de leurs obligations ou des risques auxquels ils sont confrontés.

 

 

Comment remédiez-vous à ce genre de situations ?

 

Dans les grands axes, nous nous attachons à la prévention santé. Nous donnons des conseils et des informations, notamment sur l’épuisement professionnel. Nous intervenons dès le départ, dès les études, et tout du long, alors que les infirmiers sont souvent isolés. Nous partageons des webinaires, des articles ou des vidéos pour informer et sensibiliser sur ces enjeux. Nous informons au maximum sur les évolutions de carrière possible. Avec un diplôme niveau Licence, des passerelles existent. Il faut dédramatiser et faire de la rétention. Quand un infirmier quitte le métier, c’est un échec pour nous, car on en manque. C’est important, plus on en parle, plus les langues se délient. Et cela fait du bien de former communauté pour libérer la parole, comprendre que l’on n’est pas seuls.

 

 

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