Une réalité largement sous-estimée
Les situations de polyexposition sont fréquentes dans le monde du travail, mais elles restent insuffisamment repérées. Or, les effets cumulés ou croisés des expositions peuvent aggraver les conséquences sur la santé. Par exemple, l’inhalation de solvants organiques combinée à une exposition au bruit augmente le risque de perte auditive. De même, les interactions entre produits chimiques peuvent entraîner une toxicité renforcée.
La méconnaissance de ces effets combinés conduit souvent à sous-estimer le niveau de danger encouru par les salariés. Ce décalage complique l’évaluation des risques et retarde la mise en œuvre d’actions de prévention adaptées.
Une approche globale encore trop rare
Les outils réglementaires ou méthodologiques actuels restent majoritairement centrés sur les expositions isolées. Pourtant, les risques professionnels ne s’additionnent pas mécaniquement : ils interagissent. Une même personne peut être soumise à des nuisances physiques (vibrations, bruit), chimiques (poussières, gaz), psychosociales (stress, pression temporelle), dans des conditions de travail contraignantes (travail de nuit, port de charges, chaleur).
Une approche intégrée est donc nécessaire. Elle suppose de croiser les données d’exposition, de renforcer les observations de terrain, et de s’appuyer sur une coopération étroite entre les acteurs de la santé au travail, les employeurs et les représentants du personnel.
Vers une meilleure prévention des expositions multiples
Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour améliorer la prévention des polyexpositions. D’abord, la formation des préventeurs et des employeurs à ces situations complexes. Ensuite, le développement d’outils d’évaluation adaptés, permettant de mieux quantifier les expositions cumulées. Enfin, l’implication des services de santé au travail est essentielle pour favoriser un repérage précoce et un accompagnement individualisé.
Certaines branches professionnelles commencent à s’emparer du sujet, notamment dans l’industrie, la construction ou la propreté. Des travaux de recherche sont également en cours pour mieux comprendre les mécanismes d’interaction entre agents.
Une vigilance à renforcer
La prévention des polyexpositions nécessite un changement de culture. Il ne s’agit plus seulement de réduire un risque à la fois, mais d’identifier les combinaisons de facteurs susceptibles d’altérer la santé à court ou long terme. Cela suppose un dialogue renforcé avec les salariés concernés, une analyse fine des postes de travail, et une coordination accrue entre les différents acteurs de la prévention.
Le sujet, encore émergent, sera sans doute amené à prendre de plus en plus d’ampleur dans les années à venir. Car au-delà de la conformité réglementaire, c’est bien la santé globale des travailleurs qui est en jeu.