Alcool, médicaments, tabac, drogue : comment prévenir les addictions dans le cadre du travail ?

Alcool, médicaments, tabac, drogue : comment prévenir les addictions dans le cadre du travail ?
DOSSIER
MANAGEMENT RH / QVT || Addictions / 17/06/2022

Sur les lieux de travail, la consommation d’alcool ou de drogue augmente drastiquement le risque d’accident. C’est pourquoi les pratiques addictives sont devenues une priorité pour les pouvoirs publics, mais le défi est grand pour les employeurs, tant le sujet est complexe.

Qu’est-ce qu’une addiction ?

Il existe deux types d’addictions :

  • Des addictions à des produits : alcool, tabac, drogue, médicaments
  • Des dépendances non liées à des produits : dépendance au travail dite « workaholisme », aux jeux, à Internet, au téléphone…


La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) définit le phénomène ainsi :« D’un point de vue scientifique et médical, les addictions sont des pathologies cérébrales définies par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères. »

L’addiction se définit par le désir permanent, malgré les conséquences négatives que cela entraîne, de consommer une substance psychoactive (alcool, tabac, drogue, médicament psychotrope…) ou de se livrer à une activité.

fumeur au travail

Des pratiques addictives à plusieurs niveaux

On distingue plusieurs stades dans les pratiques addictives :

  • L’usage simple : cela correspond à une consommation occasionnelle ou régulière n’entrainant pas de dommages pour la santé. Attention toutefois à ne pas basculer dans un usage nocif
  • L’abus (ou usage nocif) : l’usage abusif se caractérise par une consommation répétée qui entraîne alors des complications sur le plan de la santé, de la sécurité, de la vie privée et/ou du travail.
  • La dépendance ou addiction : la personne dépendante n’arrive plus à contrôler sa consommation malgré toutes les complications. Elle en vient à se désintéresser de toutes ses activités sociales, familiales et professionnelles, toute son énergie étant tournée vers la consommation de substances psychoactives.

 Addictions en milieu professionnel : chiffres clés

conduite et alcool

D’après le rapport « Les conduites addictives de la population active cohorte » publié en 2021 par la cohorte CONSTANCES de la MILDECA, en les deux principales substances addictives consommées sur le lieu de travail sont l’alcool et le tabac. Parmi la population active occupée, 27% des hommes et 23% des femmes seraient fumeurs, avec une intensité de consommation en augmentation. Au sein de la même population, 19,8% d’hommes et 8% de femmes auraient un usage dangereux de l’alcool.

Addictions en milieu de travail : quels sont les secteurs d’activités les plus touchés ?

Tous les secteurs d’activité sont concernés par les conduites addictives. Simplement, la nature et la fréquence des consommations sont différentes selon le secteur concerné.

Les pratiques addictives diffèrent selon les secteurs d’activités professionnels

Toujours d’après la MILDECA, les 18-35 ans seraient les plus nombreux à fumer. Néanmoins, les hommes de plus de 50 ans et les ouvriers sont les plus grands consommateurs : plus de 25 % d’entre eux fumeraient 20 cigarettes ou plus par jour.

En ce qui concerne l’usage dangereux d’alcool, les employés sont les premiers concernés, suivis de très près par les ouvriers. Les secteurs de l’industrie, du commerce, des services à la personne et de l’éducation seraient les plus touchés par ce phénomène. De manière générale, la proportion d’hommes est presque deux fois plus importante que celle des femmes, bien que cette différence s’amoindrît dans le secteur des emplois administratifs.

construction et alcool

Certains postes de travail sont plus sujets aux conduites addictives

Le Ministère du travail, quant à lui, relèvent quatre types de postes les plus touchés par les addictions :

  • Le travail en poste, de nuit et isolé ;
  • Les postes à responsabilités élevées (stress, pression hiérarchique et obligation de résultat…) ;
  • Les postes exigeant de la vigilance (contrôle du procédé sur les sites à hauts risques, postes de surveillance…) ;
  • Les postes de conduite ou de pilotage (transports, manutention mécanique…).

 Addictions et travail : quels sont les risques ?

Les pratiques addictives ont des conséquences bien connues sur la santé.

Selon le ministère de la Santé, la consommation d’alcool serait à l’origine de 49 000 décès par an sur le territoire national.  L’alcool est la deuxième cause de cancers et est à l’origine de nombreuses maladies du système digestif. La consommation excessive d’alcool est également impliquée dans l’apparition de troubles cognitifs plus ou moins graves allant de la difficulté de concentration à la démence.
L’alcool est aussi responsable de complications sociales. L’alcool favorise la violence et la délinquance, que ce soit la conduite en état d’ivresse, les violences familiales ou la maltraitance sur les enfants.

Le tabac, quant à lui, serait responsable de près d’un décès sur huit en France, faisant de lui la première cause de mortalité évitable.  Fumer multiplie par 4 le risque de cancer du poumon, la consommation de cigarette favorise aussi des cancers du Larynx, du Pharynx, de la cavité buccale ou encore de l’œsophage.
Des complications psychiatriques existent également. Le fumeur a plus de risque de développer des troubles anxieux ou phobiques (agoraphobie, trouble panique, anxiété…) de même que le patient ayant une anxiété sociale sera plus à même de développer une dépendance au tabac.

La consommation de cannabis a de nombreuses conséquences sur la santé à divers niveaux et augmente le risque de maladies cardio-vasculaires, d’hépatite, d’infarctus, de cancers…
Le cannabis multiplie le risque de dépression, d’attaque de panique et est un facteur de risque important de déclenchement d’une schizophrénie, sans parler du syndrome de démotivation.

Quant à la consommation de médicaments, cette addiction a essentiellement des effets psychiatriques pouvant majorer des troubles tels que l’anxiété, la dépression, les idées suicidaires…

psychiatrie

Au travail, la consommation de ces produits présente un risque important pour la santé et la sécurité. En agissant sur la vigilance et l’évaluation du risque, la prise de substances psychoactives dans le cadre professionnel met en danger la santé et la sécurité de la personne, de son entourage professionnel ou de tiers et peut être à l’origine d’accidents de travail.

Addictions au travail : comment prévenir les risques ?

De l’usage à la dépendance, les consommations addictives concernent plus de 20 millions d’actifs parmi les 29 millions en France (salariés du privé ou agents de la fonction publique, en CDI comme en CDD)

Prévenir les addictions relève à la fois d’une démarche de prévention individuelle et collective.

Pour aborder le risque lié aux pratiques addictives, il convient de prendre en effet en compte l’ensemble des salariés et pas seulement ceux affectés à des postes à risques, ou ceux étant déjà en difficulté.

Il convient en outre de rechercher les éventuelles causes de pratiques addictives dans les conditions de travail et l’organisation du travail.
À ce titre, on distingue généralement trois vecteurs pouvant expliquer cette consommation :

  • l’importation : une consommation importée de la vie privée du salarié ;
  • l’acquisition : la consommation résulte de sollicitations et facilitations du milieu professionnel (ex. : présence de substances psychoactives lors des pauses de l’équipe, de pots, etc.) ;
  • l’adaptation : l’idée de « dopage » pour tenir au quotidien, faire face au stress, à des douleurs récurrentes, pour tenir le rythme, etc.

prévention collective alcool

L’évaluation des risques d’addiction : une démarche incontournable

De façon classique, la démarche d’évaluation des risques inscrira le risque d’addiction dans les risques professionnels de toute organisation. Le risque sera évalué et mesuré dans ce cadre et des actions de prévention planifiées.

Les actions de prévention qui seront envisagées doivent associer l’ensemble des salariés, dans un esprit de concertation.

formation

La formation et la sensibilisation aux risques liés aux addictions prennent une part prépondérante dans ce dispositif :

  • Les risques liés aux pratiques addictives, en termes de santé et de sécurité
  • La législation en vigueur : code du travail, code de la route ; règlement intérieur
  • Les acteurs de la prévention et leur rôle : service de santé au travail, services sociaux, représentants du personnel, associations spécialisées…
  • Procédure à suivre si un salarié est dans l’incapacité d’assumer son poste


De façon individuelle, les salariés en difficulté doivent être accompagnés sans être jugés, le rôle des collègues et du médecin du travail est capital dans la détection et le suivi de ces personnes souvent en souffrance.

La prévention des risques d’addictions doit être globale

La Plateforme RSE a ainsi formulé des recommandations aux entreprises afin de promouvoir une approche globale de prévention et de réduction des risques :
 

  • porter une attention particulière à la qualité de vie au travail (QVT) de leurs salariés et à la vulnérabilité des jeunes – stagiaires, apprentis, alternants –, particulièrement exposés à ce risque ;
  • associer les parties prenantes internes (salariés, médecine du travail, Comité social et économique, DRH, manageurs) à la définition et à la mise en œuvre de leurs actions d’information et de prévention ;
  • veiller à la sensibilisation et à la formation du personnel médical des services de santé au travail et associer des tiers (associations de patients, etc.) aux actions menées dans l’entreprise ;
  • relayer dans l’entreprise les messages des campagnes nationales de prévention et participer aux programmes d’action proposés par les organismes de protection sociale ;
  • faire figurer leurs politiques de prévention des consommations à risque dans la valorisation de leurs politiques de responsabilité sociétale.

Conduites addictives au travail : rôle et responsabilité de l’employeur

L’obligation générale de sécurité qui incombe à l'employeur, définie par la jurisprudence comme une obligation de sécurité de résultat, doit le conduire à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs (article L. 4121-1 du Code du travail)

Par conséquent, les risques liés aux pratiques addictives doivent être évalués au même titre que les autres risques professionnels et faire l’objet de mesures de prévention adaptées décrites dans le Document Unique d’Évaluation des Risques.

code du travail

L’employeur dispose de plusieurs leviers juridiques pour prévenir les risques liés aux pratiques addictives :

  • Le Document Unique
  • L’encadrement de la consommation de boissons alcoolisées dans l’entreprise défini par le Code du travail : « aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail.  Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, (…) est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché » (article R. 4228-20 du Code du travail)
  • Le règlement intérieur : le règlement intérieur peut spécifier des mesures d’interdiction partielle ou totale de l’alcool sur le lieu de travail, des mesures d’encadrement des pots en entreprise, une liste de postes de sûreté ou de sécurité pour lesquels un dépistage de consommation de drogue ou d’alcool peut être pratiqué …

Pratiques addictives en milieu professionnel : informations et ressources

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