Patrick Issartelle - ANACT : La crise sanitaire n’est pas seule en cause dans l’augmentation des conduites addictives

La crise sanitaire n’est pas seule en cause dans l’augmentation des conduites addictives

MANAGEMENT RH / QVT || Addictions
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25/11/2020
Patrick Issartelle - ANACT
Patrick Issartelle
Responsable Grands Projets, référent en Prévention des addictions
ANACT

Le confinement, le télétravail et la crise sanitaire favorisent-ils directement les évolutions de consommation de substances psychoactives ? Le lien est plus nuancé, comme le montre une étude réalisée par la Mildeca et des institutions de santé, menée auprès de 4000 salariés en septembre.
Zoom.

Dans quel contexte est né ce projet d’étude sur les conduites addictives ?
C’est une question que nous avions déjà envie de traiter avant le confinement pour comprendre quels étaient les liens entre conditions de travail, organisation du travail et consommation de substances psychoactives (tabac, cigarette électronique, alcool, cannabis, médicaments psychotropes).
La période particulière que nous avons vécue depuis le mois de mars nous a permis d’enrichir notre sujet d’étude à la lumière d’un contexte ayant tout a priori pour favoriser une évolution de la consommation.
Notre étude s’est portée exclusivement sur des actifs, qui ont pratiqué aussi bien le travail sur site que le télétravail. Le questionnaire a été réalisé en ligne et avait pour but de comprendre comment ils avaient vécu cette période et en quoi elle avait influé sur leur consommation.

Quels sont les principaux enseignements que vous avez pu en tirer ?
Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, les travailleurs interrogés ont globalement plutôt bien vécu la situation, que ce soit en télétravail ou sur site.
Ce qui a été plus compliqué à gérer pour beaucoup, ce sont les conséquences du confinement sur leurs conditions de travail. Le sentiment d’isolement a été fortement ressenti, et particulièrement pour les cadres. En effet, dans une situation où assez peu d’entreprises savaient comment gérer le bouleversement auquel elles étaient confrontées, les objectifs de performance n’ont majoritairement pas été revus à la baisse, voire augmentés.
Les managers ont basculé du jour au lendemain dans une situation de management à distance sans y avoir été préparés ni formés. Dans ce contexte, beaucoup de télétravailleurs ont dû faire face à une charge de travail plus importante, des horaires à rallonge, une surconnexion sans parler des logements pas toujours adaptés, de la gestion des enfants, etc… Le niveau de stress ressenti a augmenté, en lien avec la charge de travail et la pression sur la performance.

Les consommations de substances psychoactives ont donc augmenté ?
Le résultat est plus nuancé. Effectivement, en raison de ces conditions de travail dégradées, les répondants ont déclaré une augmentation de leur consommation, principalement de tabac et de médicaments psychotropes. Parallèlement il y a aussi eu une baisse liée à la vie privée, certains répondants ayant profité de cette période pour se « reprendre en main », se remettre au sport ou tout simplement agir pour leur santé. La consommation d’alcool et de cannabis est ainsi plutôt en baisse. Pour l’alcool spécifiquement, le niveau de consommation est en baisse mais la fréquence de consommation est en hausse.

Comment vont être exploités les résultats de cette étude ?
Cette étude constitue une mine de données que nous allons retraiter afin de mettre à disposition des employeurs, des partenaires sociaux et des pouvoirs publics des résultats permettant  d’alimenter à la fois les actions de prévention en entreprise et les politiques de santé publique et de santé au travail.
A l’heure où nous sommes à nouveau en confinement avec un télétravail en voie de généralisation, il est important pour les organisations de comprendre qu’elles doivent soutenir et outiller les managers pour les aider à adapter la charge de travail et les objectifs aux conditions de réalisation de l'activité ainsi qu'aux situations particulières.
Les questions de stress et du sentiment d'isolement dans une période anxiogène doivent aussi faire l'objet d'une attention particulière de l'ensemble des acteurs concernés (directions, manageurs, Rh, préventeurs, IRP) avec l'appui des services de santé.