Stop à trop d’empathie au travail !

MANAGEMENT RH / QVT || Management RH
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15/04/2024

Le billet d'humeur du mois d'avril de Stéphanie Carpentier - Experte en Management des Ressources Humaines et Prévention en Santé au travail.


L’empathie est une valeur forte au travail. Nous sommes même incités à toujours plus d’empathie car elle fait partie de l’intelligence émotionnelle et au-delà des soft skills tant valorisées. Pourtant certains travaux en neurosciences sont formels : l’intelligence émotionnelle peut aussi faire souffrir. 

Certes, l’intelligence émotionnelle est valorisée dans les organisations car ses bienfaits sont nombreux : bien-être au travail de chacun, performances personnelles et organisationnelles, aide face aux situations très complexes. Néanmoins depuis la pandémie, les épreuves géopolitiques et économiques internationales s’accumulent et leurs durées incitent à remettre en question ses bénéfices : l’intelligence émotionnelle hyper sollicitée devient épuisante à la longue. Autrement dit, trop d’empathie peut devenir un handicap. Que faut-il donc préconiser ? Les universitaires sont clairs : la compassion.

Proche de l’empathie, la compassion est en effet également une réponse à la souffrance, que cela concerne Autrui ou soi-même. Cette notion de compassion, souvent perçue exclusivement comme étant religieuse (le bouddhisme, le christianisme, le judaïsme et l’islam la considèrent comme une valeur essentielle), peut aussi être laïque car elle est en fait bien plus spirituelle et inhérente à la nature humaine qu’on ne le suppose et renvoie à la notion de bienveillance. Mais la compassion, elle, permet de ne pas sombrer dans le burnout. 

Selon Olga Klimecki, chercheuse en psychologie et neuroscience à l’Université de Genève, la compassion se distingue de l’empathie dans la mesure où : 

  • L’empathie suppose de s’identifier à autrui en ressentant ce qu’il ressent. Or le fait d’être trop empathique vis-à-vis de la détresse d’autrui peut conduire à une fatigue empathique (un repli sur soi et à des réactions similaires à un burnout) qui peut aussi engendrer une détresse empathique car le partage intense de la souffrance d’un autre conduit à une contagion des effets négatifs.

• La compassion implique pour sa part un sentiment de bienveillance avec la volonté d’aider la personne qui souffre. Il s’agit donc d’une émotion pour autrui vécue comme une expérience positive car ouvrant vers une motivation pour venir en aide. Il s’agit enfin de la seule manière de se protéger des émotions négatives induites par l’empathie.

Dès lors, dire stop à trop d’empathie au travail ne signifie pas arrêter le développement de nos soft skills mais au contraire favoriser le passage de l’empathie à la compassion pour leur éviter d’être victimes de nos façons de réagir à la souffrance. En période de crises multiples et protéiformes, cette carte supplémentaire est essentielle !

 

En savoir plus :

  • Olga Klimecki (2014), « De l'empathie à la compassion : un parcours émotionnel face à la souffrance », Le Journal de l’Unige, Université de Genève, n°93, p. 3