Dérèglement climatique, une relation forte entre climat et santé au travail

Publi-rédac
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11/05/2023

Retours sur l’enquête du CESE présentée aux assises du travail en février 2023 sur l’impact des dérèglements climatiques sur la santé au travail et sa conclusion d’une prise en charge difficile de ce sujet dans les entreprises et la fonction publique.


Elle a voulu consulter largement les acteurs du dialogue social au travers d’une enquête qui a recueilli 1922 contributions. Ce nombre élevé n’indique cependant pas que les résultats sont représentatifs de la population salariée. En effet, la part des salariés et agents publics des grandes entreprises et administration est plus importante que dans la population active en général ; et une part importante des répondants sont des élus du personnel (60%).

 

Quelles sont les préoccupations et les attentes des travailleurs ?

Une large majorité de répondants se dit engagée à titre personnel (80%) mais seulement un tiers (35%) estiment que les sujets environnementaux sont pris en compte au niveau collectif, c’est-à-dire dans leur entreprise ou administration. 

Même si les cadres sont les plus nombreux à déclarer qu’ils se soucient des enjeux environnementaux, ces préoccupations sont présentes dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Elles différent cependant dans leur nature. Ainsi, pour les employés et les cadres, le premier motif de préoccupation (plus de 60%) est que « les enjeux d’adaptation climatique ont des effets dans les relations de travail et l’organisation du travail ». Un autre motif relevé par plus de 20% des répondants de ces catégories est que certaines tâches de leur travail leur paraissent polluantes ou émettrices de GES (gaz à effet de serre). Pour les ouvriers, le premier motif d’inquiétude est le travail rendu plus pénible par des effets directs ou indirects (46%) et le second, le fait de travailler dans un secteur polluant ou émetteur (44%).

De la même manière, si tous sont conscients d’une relation forte entre le climat et la situation de travail, ils ne relèvent pas les mêmes impacts du changement climatique sur l’organisation du travail. Les cadres citent d’abord les déplacements professionnels et domicile-travail (66% et 69%), avant la continuité des activités (62%), ce qui peut paraître surprenant étant donné leur proximité avec la stratégie de l’entreprise. Dans le top 3 des employés et des ouvriers, les impacts prioritaires sont ceux sur l’organisation et les conditions de travail (respectivement 69% et 59%) et ceux sur la santé au travail (respectivement 66% et 76%).

Sur la santé, 70% des répondants estiment que le dérèglement climatique (et plus généralement la dégradation de l’environnement) a des conséquences sur la santé des travailleurs. Les verbatim sont particulièrement intéressants. Une première catégorie (38%) concerne la dégradation des conditions de travail, l’augmentation des risques d’accidents et la nécessité d’adapter l’organisation de travail et les horaires. Sont évidemment cités les « impacts de la hausse des températures/des fortes chaleurs sur les conditions de travail (ou grand froid en hiver), notamment une pénibilité accrue et des risques pour les personnes qui travaillent en extérieur et pour les métiers impliquant de l’effort physique ». Mais apparaissent aussi la « manipulation plus dangereuse de produits chimiques », l’accroissement de certaines maladies professionnelles ; un « afflux de patients dans les hôpitaux »  ou encore de une modification des horaires due à une adaptation à des économies d’énergie. Les impacts physiques dans l’activité professionnelle sont aussi cités (13%), là encore en lien avec les températures extrêmes. Néanmoins, les répondants listent aussi des impacts sur la santé mentale dans l’activité (13%), par exemple l’éco-anxiété ou un « sentiment d’impuissance et de frustration face à l’inaction ». Enfin, les impacts sur la santé globale sont cités par 23% des répondants (ex. : des difficultés respiratoires et maladies pulmonaires à cause de la pollution de l’air, un développement de maladies comme les cancers, une espérance de vie réduite, etc.).

Les risques professionnels et environnementaux se retrouvent ici très liés. Pourtant les outils utilisés dans les entreprises sont très cloisonnés.

 

DUERP et BDESE

Concernant la BDESE, la moitié des répondants indiquent que leur entreprise dispose d’une BDESE et l’autre moitié ignore s’il y en a une. Cet outil est donc encore insuffisamment connu, et peu collaboratif puisque son élaboration implique bien davantage les dirigeants ou représentants d’employeur que les IRP (23% déclarent avoir participé à la définition de la BDESE) ou les salariés (13%). Sur son contenu, près de 60 % des répondants indiquent que la BDESE n’a pas encore intégré la dimension environnementale. Même pour les entreprises de plus de 5 000 salariés, seuls 50% des répondants de ces structures pensent que la BDESE de leur entreprise a intégré cet enjeu. Dans ces cas, seuls les risques environnementaux sont identifiés, la santé-environnement n’est pas intégrée.

Sur le DUERP, « près de 87 % des répondants observent que le DUERP existe dans leur entreprise. Ce qui représente deux fois plus que les chiffres que l’on cite habituellement dans les études (notamment de la DARES) qui sont autour de 50 %. Cet écart est probablement le résultat du ciblage de ce questionnaire » (diffusé sur le site du CESE et diffusé par les organisations qui le composent, à savoir.

Sur la mise à jour annuelle, le chiffre chute puisque seuls « 55% des répondants observent que les plans d’actions des DUERP de leur entreprise sont actualisés chaque année ». Sur la question environnementale, seul un sur cinq constate que « les DUERP ont intégré des facteurs de risque liés aux dérèglements climatiques ». Ainsi, les risques environnementaux et les risques professionnels seraient encore considérés comme des questions distinctes.

 

De l’éco-anxiété au refus de réaliser des tâches

Au-delà de la conviction personnelle, les dirigeants auraient un intérêt à mieux prendre en compte les changements environnementaux, car c’est une source d’anxiété pour 35,4% des répondants. Comme l’exprime le CESE, « ce n’est pas une majorité mais c’est un chiffre significatif qui dessine une tendance à prendre en compte ». Cette anxiété est plus importante de 4 points chez les femmes que chez les hommes. Elle est particulièrement présente chez les agents publics (40,6%) et le plus faiblement exprimée chez les dirigeants (16%).

10% des répondants de l’enquête ont connaissance de refus de réalisation de tâches pour des préoccupations sanitaires et environnementales. Les causes sont principalement une exposition à des températures extrêmes ou à un risque sanitaire, mais on note aussi un refus de contribuer à des pratiques polluantes.

 

Quels moyens pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux ?

A la question « dans votre entreprise ou administration, quels éléments déclencheurs pourraient permettre une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux », la majorité des répondants (70%) s’en remettent au législateur puisqu’ils citent des « obligations légales renforcées ». Le diagnostic partagé sur les risques environnementaux est la deuxième réponse donnée. En lien avec ce point, le CESE a intégré à l’enquête une question sur les freins au développement du dialogue social sur les enjeux environnementaux. De façon classique, l’insuffisance de formation et de sensibilisation ressort en premier à plus de 50% (rappelons que, si les élus ont depuis la loi dite « Climat et résilience » des prérogatives en matière environnementale, la formation sur ce sujet n’est pas obligatoire). Viennent ensuite l’absence de volonté de l’employeur (50%) et le manque de temps (que les IRP précisent en indiquant un ordre du jour déjà très chargé des CSE et CSSCT).

 

La rédaction HSE de Lefebvre Dalloz

 

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