La 2e génération de CSE arrive, quelles perspectives pour la SSCT ?

MANAGEMENT RH / QVT || Dialogue social / CSE / Médiation
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28/01/2022 - Sébastien MILLET

A l'heure du bilan de fonctionnement des CSE de première génération issue de la fusion des instances représentatives du personnel (cf. ordonnances Macron n° 2017-1386), force est de constater que l'on se trouve dans une situation quelque peu paradoxale avec :


-D'un côté, un certain affaiblissement observé de la thématique dans le fonctionnement courant des instances.
Sans rentrer dans les chiffres, il ressort des études statistiques (cf. DARES notamment) une tendance à l’affaiblissement de la représentation en SSCT par rapport à la situation antérieure (cf. anciens CHSCT dans les entreprises et établissements de 50 salariés et plus), alors que dans le même temps, le taux de couverture par les CSE s'est plutôt amélioré par rapport aux anciennes institutions élues.
En pratique, on observe parfois une certaine difficulté pour les commissions CSSCT -lorsqu'elles existent- à trouver leur place ainsi que leur rythme de fonctionnement, sachant que la loi réserve réunion plénière du CSE la compétence en matière de consultation obligatoire ou de recours à expertise. Selon le rapport de France stratégie de synthèse des Ordonnances Macron (décembre 2021), « sur les questions de santé, sécurité et condition de travail, le traitement de ces sujets n’est pas encore stabilisé et la nouvelle articulation entre CSCCT et CSE reste difficile à trouver. »

Bien entendu, les situations sont très diverses d'une entreprise à l'autre ceux qui nécessitent de relativiser ces constats. Il est vrai que le cadre légal ouvre le champ des possibles et permet d'importantes adaptations d'organisation et de fonctionnement du CSE (périmètres, attribution, moyens, etc.) par la voie conventionnelle, sous réserve du respect des règles d'ordre public.

-D'un autre côté, la période de crise sanitaire est historique et a placé l'enjeu de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs « quoi qu’il en coûte » au cœur de l’organisation du travail dans els entreprises, dans un contexte où directions et représentants du personnel ont dû travailler « main dans la main », avec une efficacité observée et une capacité à co-construire ensemble.
Les politiques publiques rappellent en outre la priorité donnée à la prévention primaire, ainsi qu’à la qualité de vie et des conditions de travail dans les entreprises (cf. PST 4 pour la période 2021-2025). Dans la continuité du précédent plan, le dialogue social et la communication entre les acteurs constitue l'un des objectifs centraux de la réussite du plan (cf. action 8.3. « renforcer le dialogue social relatif aux conditions de travail au sein des entreprises »).

Cela dans un contexte où en termes de responsabilité(s), l’obligation de sécurité constitue une exigence renforcée en jurisprudence (ne qui ne fera qu’être amplifié par les nouvelles obligations à venir en matière de formalisme d’évaluation des risques professionnels … ).

En parallèle, les CSE voient leurs missions et attributions renforcées, au travers de 2 réformes majeures :

  • D'une part, la loi « santé » n° 2021-1018 du 2 août 2021 (transposition de l’ANI du 9 décembre 2020) dont l'entrée en vigueur est globalement différée au 31 mars 2022, qui assigne aux CSE un rôle de contributeur à l'évaluation des risques professionnels à l'élaboration du document unique d'évaluation des risques, même si celle-ci relève de l'initiative est de la responsabilité première de l'employeur. Au-delà des nouvelles obligations patronales (notamment en matière de consultation pour avis), il sera en filigrane attendu des élus un rôle plus actif dans la démarche d'évaluation des risques professionnels.

 

Pour certains, il y a là une forme d’injonction contradictoire à élargir les attributions de l’instance, alors que le thème de la santé sécurité au travail est souvent considéré comme un « parent pauvre » de la fusion des instances …

En tout état de cause, qui dit plus d'attributions, dit devoir s’interroger sur la qualité et l’efficacité du dialogue social : quelles sont les conditions à réunir pour créer la confiance et permettre aux élus de s'approprier ces thématiques ?

Les sujets sont nombreux sur la table, à commencer la question centrale de la formation pour permettre aux partenaires sociaux de monter en compétence en matière de SSCT. Tout ne peut se résumer à une simple question de crédit d’heures de délégation…

L’enjeu des prochaines élections sera de bilanter ce qui a fonctionné et ce qui mérite d’être encore aménagé ou approfondi pour arriver à une maturité de fonctionnement.

Quelles attributions confier à la CSSCT ? Faut-il que les élus se spécialisent ? Quels outils collaboratifs utiliser ? Comment adapter le fonctionnement en distanciel ? etc…

A ce sujet, un des axes à ne pas négliger porte sur la question de la proximité. Le rapport de France stratégie relève notamment que « l’effacement de la représentation de proximité apparaît comme une crainte récurrente ». Or, gardons ici à l’esprit que dans le domaine de la SSCT, il est important d’avoir une organisation permettant de prendre en considération les réalités du travail sur le terrain, et de pouvoir y apporter des solutions locales, le risque étant sinon de surcharger les ordres du jour du CSE.

En parallèle, ces évolutions pourront s’accompagner d’une montée en puissance du rôle du salarié référent santé-sécurité de l’entreprise, qui constitue un maillon quelque peu sous-mobilisé, mais pourtant indispensable du point de vue de la conduite de la démarche de prévention.

Précisons à ce sujet que la jurisprudence vient de rendre une décision qui pourrait faire bouger certaines lignes en la matière, en reconnaissant la possibilité pour le référent d’être éligible aux élections du CSE : « Dès lors qu'ils interviennent de façon ponctuelle lors des seules réunions visées à l'article L. 2314-3 du code du travail en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail afin d'éclairer les membres du CSE et disposent d'une voix seulement consultative, le responsable du service de sécurité et des conditions de travail, ainsi que l'agent chargé de la sécurité et des conditions de travail, ne représentent pas l'employeur devant les institutions représentatives du personnel. Il en résulte qu'ils sont éligibles au CSE.(…) » (Cass. Soc. 19 janvier 2022, n° 19-25982).