Où en est la prévention des risques psychosociaux dans
les entreprises ?
Il y a maintenant une dizaine d'années que le sujet des risques
psychosociaux (RPS) a émergé. Il est aujourd'hui clairement entré
dans les politiques de prévention des grandes entreprises et de
plus en plus, également dans les PME.
L'étape de la sensibilisation et de l'information est largement
franchie. Nous devons aujourd'hui consolider les outils et
méthodes mis à disposition des entreprises pour prévenir les RPS.
Ceux-ci doivent être bien adaptés à chaque contexte et permettre
de comprendre les causes profondes des situations de mal-être des
salariés issus de dysfonctionnements organisationnels.
A partir des interventions du réseau ANACT dans des dizaines
d'entreprises, nous avons pu dégager certaines lignes d'action
primordiales pour mettre en œuvre une politique de prévention
durable des RPS.
Comment identifier et agir sur les causes des risques
psychosociaux ?
Les situations de souffrance au travail peuvent presque toujours
être reliées à un problème d'organisation du travail. Au départ,
il y a un écart semblant insurmontable entre les exigences du
travail et les ressources mises à disposition pour l'exécuter.
Pour agir sur cette tension et la diminuer, nous avons développé
une méthodologie basée sur l'analyse des "situations-problème",
situations ressenties comme significatives de débordements, de
conflit, etc. A partir de l'étude de ces situations, on remonte
le fil jusqu'à identifier un problème d'organisation. Cette
analyse doit se faire à partir de situations très concrètes et
dans le cadre d'un travail collaboratif entre employeurs et
salariés.
Sur le sujet des RPS, s’il faut bien entendre l’expression des
salariés en termes de souffrance, je suis profondément convaincu
qu'il faut travailler en s’appuyant aussi sur une vision
positive du travail comme facteur de réalisation de soi.
L'objectif étant alors d'aider à trouver les compromis permettant
aux salariés d’accomplir leurs activités dans les
meilleures conditions possibles de ressources pour réussir un
travail de qualité dans lequel ils pourront se reconnaître. La
performance est aussi à ce prix. C'est aussi tout l'objet de
l'outil C2R (Contraintes, Ressources et Régulation) développé par
l'ANACT.
Quelles pistes d'actions préconisez-vous pour construire
durablement une politique de prévention des risques
psychosociaux ?
Au-delà du diagnostic RPS, la prévention doit effectivement
être installée durablement. Trois axes d'action peuvent être
retenus.
Le premier, c'est l'existence d'un processus d'évaluation et
l’intégration des RPS au Document Unique qui permet de stabiliser
une démarche d’analyse. Pour cela il me paraît indispensable de
s'appuyer sur une instance paritaire de suivi et d'évaluation qui
puisse piloter l'ensemble de la démarche.
L'expression des salariés et le management du travail sont la
deuxième condition de l'inscription dans le temps de la
prévention des RPS. Les salariés doivent avoir la possibilité de
s'exprimer sur leur travail, la vie de leur entreprise et les
projets qui les concernent. Il y a nécessité d'ouvrir des espaces
de dialogue. Il faut également repositionner le rôle du
management en tant que vecteur d'animation et de régulation des
équipes au quotidien.
Enfin, la conduite des changements doit systématiquement être
accompagnée d'une réflexion, en amont, sur les conséquences en
termes d’effets sur la santé mentale. Cela passe par la formation
des concepteurs et managers et la mise en œuvre d'un processus
organisé de gestion de projet
La prévention des RPS est encore jeune dans les entreprises, de
nombreuses expérimentations sont menées avec des effets et
impacts intéressants en termes de transformation et de dialogue
social. Il sera indispensable d'étudier les résultats de ces
démarches dans le temps pour évaluer les transformations
d’organisation effectivement réalisées.
En savoir plus
- Prévenir les risques psychosociaux, outils et méthodes pour réguler le travail par Philippe Douillet, Editions ANACT, mai 2013