Damien Cru - Université d'Angers : Mettre le travail au cœur de la démarche de prévention

Mettre le travail au cœur de la démarche de prévention

|| Santé au travail
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25/06/2014
Damien Cru - Université d'Angers
Damien Cru
consultant en prévention des risques professionnels, chercheur associé au Laboratoire d'ergonomie et d'épidémiologie en santé au travail
Université d'Angers
Après avoir travaillé comme tailleur de pierre, Damien Cru a été durant 15 ans délégué à la sécurité à l'OPPBTP puis chargé de mission à l'ANACT/ARACT. Il renouvelle l’approche de la prévention des risques professionnels en se fondant sur les apports de l'ergonomie, de la psychopathologie du travail et de son expérience. Explications.

Quel regard portez-vous sur l'évolution de la prévention ces dernières années ?
Un regard assez critique. La prévention reste trop souvent abordée de manière négative, en termes de manque et de catastrophe, sans prêter attention aux procédures informelles de sécurité mises en œuvre au cours de l’activité. S’il faut toujours étudier les accidents du travail pour comprendre et pallier les défaillances de son organisation et de sa gestion, il importe tout autant d’étudier le travail avec tous les moments de récupération par les équipes des situations dégradées avant que le risque ne se précipite en évènement accidentel ou en maladie.
Cette dimension positive du travail concret n'est pas suffisamment connue et valorisée. Pour moi, étudier le travail quand il va bien est essentiel pour conduire une politique de prévention intelligente et adaptée aux conditions concrètes de l’activité.
Dans le BTP, mais ailleurs également, des savoir-faire de prudence sont transmis de façon plus ou moins formelle entre les anciens et les nouveaux. Ce sont des gestes, des pratiques qui ne figurent dans aucune procédure mais font partie d'un patrimoine de métier à préserver et à entretenir.

Vous insistez sur le rôle fondamental de l'équipe, quel est-il ?
Sur les chantiers de BTP comme ailleurs, l'équipe est le lieu de la construction de l’expérience, de la  mutualisation des savoirs, de l'intégration des nouveaux arrivants, mais aussi du maintien dans l’emploi de travailleurs âgés.  Cette dimension collective dans l’équipe ne va pas de soi comme j’essaie de le montrer dans le livre. Quand tout va bien, l'équipe permet de temporiser entre les contraintes qui pèsent sur l'entreprise et l'individu sur le terrain. La fonction du manager de proximité, le chef d'équipe, voire le chef de chantier, est primordiale. Le chef d'équipe non seulement a le savoir et les tours de main techniques, il sait prendre le temps pour que le travail se parle dans l’équipe et il sait également prendre une décision le moment venu.  C'est sans doute ce qui manque aujourd'hui à nombre de managers qui en imposent davantage par leur statut que par leurs compétences, avec toutes les crispations et situations de harcèlement que cela peut entraîner.

Faire confiance, c'est votre leitmotiv ?
Tout à fait. J'ai confiance en l'humain. Encore faut-il être un peu outillé pour en comprendre quelque chose. Les opérateurs de terrain tout comme les cadres sont souvent plus intelligents qu'ils ne le pensent, ils ont des idées, ils ont des pratiques prises dans le quotidien du travail qui concourent déjà à la prévention sans forcément être étiquetées sécurité. Il faut placer leur travail et leur représentation du travail au cœur des démarches de prévention  et ensemble construire des stratégies qui fonctionnent. Cette approche n’exclut ni l’expertise technique ni l’expertise médicale du travail, elles sont absolument nécessaires mais non suffisantes. D’où l’intérêt de la pluridisciplinarité en santé au travail.

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