Révision de la législation européenne sur les cancers professionnels : un trop petit pas en avant ?

risque chimique
ORGANISATION DE LA PREVENTION || AT / MP - Pénibilité
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13/05/2016

La Commission européenne a adopté le 11 mai une proposition de révision de la directive sur la prévention des cancers professionnels, les syndicats critiquent sa frilosité.


Le texte de la Commission Européenne propose d'adopter des valeurs limites d'exposition professionnelles (VLEP) contraignantes pour 13 substances, l'ancienne directive n'en prévoyant que pour trois.

L'Institut Syndical Européen, l'ETUI (European Trade Union Institute), se félicite que la Commission européenne se  décide enfin à renforcer sa législation contre les cancérogènes sur les lieux de travail. Il juge cependant que la proposition ne va pas assez loin.

" Le point positif est que le processus législatif est maintenant ouvert et qu’il sera possible d’amender cette proposition initiale. Son contenu reste minimaliste. Aucun article de la directive n’a été amélioré. Seule l’annexe 3 sur les VLEP a été substantiellement modifiée. Elle ne concerne cependant que 13 cancérogènes, ce qui est bien trop modeste par rapport aux demandes de la présidence néerlandaise ", juge Laurent Vogel, chercheur à l'ETUI.
Le gouvernement des Pays-Bas, qui exerce la présidence de l’Union européenne pour le premier semestre 2016, réclame l’introduction de 50 VLEP. Pour sa part, la Confédération européenne des syndicats a établi une liste de 71 substances ou procédés pour lesquels elle juge nécessaire d'établir des VLEP.

La Commission a annoncé que 12 autres VLEP feraient l’objet d’une proposition législative avant la fin de l’année 2016. Elle ne s’est pas engagée en ce qui concerne d’autres initiatives ultérieures.
En termes de contenu, les VLEP proposées pour un certain nombre de substances sont beaucoup plus élevées que celles adoptées dans plusieurs États membres. L’exemple le plus caractéristique concerne la silice cristalline, une substance qui provoque des maladies et cancers du système respiratoire. La Commission propose une VLEP de 100 microgrammes par mètre cube alors que le Danemark, la Finlande, l’Espagne imposent une VLEP de 50 microgrammes, de même que les États-Unis. La valeur limite européenne ne permettra pas d'assurer une protection suffisante des 5 millions de travailleurs qui y sont exposés dans l’Union européenne.

La balle est désormais dans le camp du Parlement européen et du Conseil des ministres. Ceux-ci peuvent amender la proposition de la Commission de manière à renforcer la protection des travailleurs contre le risque de cancer. Ils peuvent notamment étendre le champ d’application de la directive aux toxiques pour la reproduction qui constituent un risque important dans le monde du travail absent de la proposition formulée par la Commission.

La révision de la directive sur l'exposition des travailleurs à des agents cancérigènes et mutagènes, annoncée dès 2002, a longtemps été paralysée par la Commission elle-même.
Les critiques convergentes du Parlement européen, de nombreux États Membres, des acteurs de la santé publique et des organisations syndicales ont permis de remettre en cause cette paralysie. Rappelons que plus de 100.000 personnes meurent chaque année à la suite d’un cancer causé par le travail.